Jean-Pierre Raffarin faisait valoir son expérience d'ancien Premier ministre et sa toute nouvelle proximité avec Nicolas Sarkozy qui venait de lui confier des responsabilités au sommet de l'UMP. Pendant que le bling-bling et le people occupaient la première séquence politique de la première année de Nicolas Sarkozy à l'Elysée, deux hommes se livraient une sourde bataille, feutrée, silencieusement carnassière pour devenir le second personnage de l'Etat en s'emparant de la présidence du Sénat. Il s'agissait de Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre de Jacques Chirac qui livrait son combat à son ancien ministre du Travail Gérard Larcher. Dès le départ, les deux compétiteurs étaient identifiés comme les uniques prétendants à diriger le Palais de Luxembourg. Les autres, tels que Philippe Marini, sénateur de l'Oise et rapporteur de la commission des Finances ou le truculent marseillais Jean-Claude Gaudin avaient joué les leurres d'appoint. Jean-Pierre Raffarin faisait valoir son expérience d'ancien Premier ministre et sa toute nouvelle proximité avec Nicolas Sarkozy qui venait de lui confier des responsabilités au sommet de l'UMP. Tandis que Gérard Larcher, dont le passage au gouvernement ne marqua pas les annales du droit de travail ou de l'actualité sociale, se fait récemment remarquer par un édifiant rapport sur l'état des hôpitaux en France. Deux styles, deux tempéraments s'affrontaient depuis de longs mois pour tenter de convaincre de leur aptitude à devenir le second personnage de l'Etat. Il y eut le style Raffarin qui choisit le passage en force en tentant d'imposer sa personne et ses commentaires dans toute la galaxie Sarkozy. Lorsque, à la veille des Jeux olympiques de Pékin, il fut choisi comme envoyé spécial du président pour aller calmer l'ire des autorités chinoises, très en colère contre le traitement que la République réservait au Dalaï Lama, Jean-Pierre Raffarin vendait cette mission comme l'indéniable signe de soutien de l'Elysée à ses ambitions sénatoriales. Et lorsque bien avant cela, les communicateurs de Nicolas Sarkozy instrumentalisaient à souhait son fiel et son sens inné de la formule pour attaquer la gauche en général et les socialistes en particulier, le sénateur Jean-Pierre Raffarin ne pouvait douter de son utilité au nouveau règne. Malgré cette stratégie, Jean-Pierre Raffarin échoua de manière fracassante. Le groupe UMP du Sénat vient de choisir Gérard Larcher comme candidat à la présidence du Sénat dont l'élection est fixée au premier octobre avec un score sans appel :78 voix sur 151 contre 56. Dès l'annonce de ce résultat, alors que Jean-Pierre Raffarin avait du mal à retenir son émotion, lançait un fataliste : «C'était une belle victoire, bravo au vainqueur» avant de s'éclipser pour cuver sa tristesse et son amertume, le presque nouveau président du Sénat Gérard Larcher donnait les recettes de sa victoire. A l'inverse de Jean-Pierre Raffarin qui se prévalait bruyamment du soutien de Nicolas Sarkozy, Gérard Larcher se livra à une campagne de proximité, presque du porte-à-porte. Il avait opportunément joué sur sa connaissance des hommes et des réseaux : «La confiance ça se tisse, la confiance ça ne se quémande pas (…) Mais c'est aussi l'amour profond de cette institution». Gérard Larcher dut bénéficier du soutien du Premier ministre François Fillon qui, la rancune tenace, n'a pas pardonné à Jean-Pierre Raffarin ses critiques acerbes contre son bilan et sa gouvernance. A 59 ans, Gérard Larcher, le visage poupin d'ancien bébé Bledina, la démarche ronde d'une bonne fourchette allergique à l'effort physique, peut prétendre rajeunir l'image d'un Sénat, inoffensive chambre d'enregistrement, longtemps considérée comme un mouroir dans lequel les éléphants politiques de la République venaient finir tranquillement mais doucement leur carrière. Aux journalistes qui l'interrogeaient sur ses ambitions pour le Sénat, Gérard Larcher inscrit déjà son action dans le changement d'image : «Dans cette maison, il y a un travail de très grande qualité qui se fait et qui doit être connu (…) J'entends nouer avec vous des rapports pour que nous puissions faire comprendre le rôle essentiel de cette assemblée, pour nouer cette médiation (...) entre nos concitoyens et une institution».