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François Fillon, un Premier ministre en sursis
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 22 - 05 - 2008

Les confidences distillées à la presse par les entourages indiquent qu'entre Nicolas Sarkozy et François Fillon c'est la haine ouverte.
Ce qui se susurrait entre initiés il y a quelques semaines entre les portes capitonnées des rédactions ou dans les couloirs des journaux satiriques est devenu aujourd'hui une vérité criante difficile à cacher. La relation conflictuelle qu'entretient le président de la république Nicolas Sarkozy avec son Premier ministre François Fillon est devenue le secret de polichinelle le mieux gardé de France. Au point qu'un célèbre hebdomadaire, «L'Express», pourtant peu susceptible de couver une animosité excessive à l'égard de l'Elysée ou de Matignon, tapisse les kiosques de l'Hexagone d'une couverture qui en dit long sur le climat de compétition et de défi qui marque la relation entre les deux têtes de l'exécutif : «Sarkozy-Fillon : Pourquoi ils se détestent». «L'Express» confirme que le rejet entre les deux hommes est tel qu'ils ne peuvent supporter d'être en tête-à-tête ou d'envisager un déjeuner ensemble.
Au-delà du joli coup éditorial réalisé pour le magazine de Christophe Barbier, cette couverture incendiaire ne provoqua ni démenti, ni réactions indignées, confirmant le climat de guerre secrète que se livrent en coulisses le président et son Premier ministre. Depuis, il ne se passe pas une journée sans qu'un quotidien national ou une radio ne se fasse l'écho des péripéties de la relation explosive entre les deux hommes.
Les confidences distillées à la presse par les entourages indiquent qu'entre Nicolas Sarkozy et François Fillon c'est la haine ouverte. Quand l'un se réapproprie les petits déjeuners de la majorité, l'autre improvise un séminaire gouvernemental pour mieux «recadrer les réformes» et dire la nécessité d'agir sur «les structures». Quand l'un tient à l'Elysée des réunions avec des ministres choisis pour constituer sa garde rapprochée, l'autre compte ses troupes et fourbit ses armes. Cette situation, qui fait tache d'huile en pleine discussion sur la réformes des institutions, est à l'origine de critiques acerbes du Parti socialiste. Son premier secrétaire tire la morale de ce dysfonctionnement : «C'est le signe que ça ne va pas fort dans la majorité au point que le président de la république reprend au Premier ministre ce qui était sa prérogative (…) Le Premier ministre, normalement c'est le chef de la majorité, c'est celui qui coordonne l'action des députés et des sénateurs au sein du Parlement». Cette affrontement au sommet de l'Etat vient de très loin. Quand se préparant à se lancer à la conquête de l'Elysée, Nicolas Sarkozy s'était acoquiné politiquement avec François Fillon, un déçu de la chiraquie, tout le monde avait salué le coup de maître. Un savant dosage car dans cette démarche, François Fillon, chantre du gaullisme social, était destiné à polir la réputation de «libéral thatchérien» que traînait Nicolas Sarkozy. Si le couple avait séduit dans sa conquête du pourvoir, il a magistralement échoué dans son exercice.
Au delà de faire régner sur le pouvoir une atmosphère d'incertitude et de tensions pire que celle qui avait marqué les années électriques de la cohabitation entre François Mitterrand et Michel Rocard et François Mitterrand et Jacques Chirac, le couple Sarkozy-Fillon donne l'impression de vivre la situation infernale d'un couple psychologiquement divorcé mais dans l'incapacité immédiate de se séparer, obligé de vivre sous le même toit. Il est de notoriété publique que le président de la république se trouve dans une incapacité conjoncturelle de changer de Premier ministre. Et ce, pour trois raison majeures. La première est directement liée la présidence française de l'Unions européenne. Changer un exécutif déjà engagé dans la préparation de dossiers lourds à la veille d'une échancre aussi importance jetterait un indélébile discrédit sur Paris.
La seconde est la bonne popularité entêtée de François Fillon. Changer un Premier ministre non usé, encore adoubé par les sondages, est une coûteuse provocation. La troisième est l'absence, dans l'entourage du président, d'un candidat naturel à ce poste. Quand Nicolas Sarkozy en est, selon une rumeur insistante, à hésiter entre le sénateur Gérard Larcher, inconnu du grand public, son ministre du Travail Xavier Bertrand et le secrétaire général de l'Elysée Claude Guéant, cela en dit long sur la difficulté à trouver un successeur à François Fillon.


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