L'interdiction totale de la burqa dans l'espace public a été le sujet cardinal qu'a choisi Nicolas Sarkozy pour signer son grand retour en politique. L'observateur étranger qui ose s'aventurer dans les arcanes de la politique française sera étonné de constater que la polémique sur le port de la burqa occupe une place disproportionnée par rapport aux autres crises qui secouent l'Hexagone. Sur un agenda des priorités, le voile intégral n'est certainement pas la préoccupation majeure et quotidienne des Français, tant sur un plan purement arithmétique, il ne concerne qu'une minorité infinitésimale, théoriquement incapable de mobiliser autant d'efforts et d'énergie. Et pourtant, l'interdiction totale de la burqa dans l'espace public a été, après la sécurité, le sujet cardinal qu'a choisi Nicolas Sarkozy pour signer son grand retour en politique après une grande parenthèse de vagabondage capricieux et narcissique considéré par son entourage comme la source principale du désamour persistant des Français à son égard. Nicolas Sarkozy a été un des premiers à avoir senti tout le potentiel politique que contenait la spectaculaire décision d'interdire le voile intégral dans l'espace public. Il avait choisi la majestueuse scène du Congrès de Versailles pour dire avec le verbe grandiloquent des circonstances que la «burqa n'est pas la bienvenue sur le territoire de la République». La mission parlementaire qui avait débattu de la question et le Conseil d'Etat qui avait rendu un avis défavorable quant à son interdiction dans l'espace publique, n'ont pas suffi à éteindre cette polémique. C'est qu'entre-temps, la burqa, phénomène marginal en France, touchant principalement quelques converties passionnées, était devenu un vrai enjeu de surenchère politique. D'abord au sein de la majorité présidentielle. Un homme comme Jean-François Copé, président du groupe parlementaire UMP, le parti du président et qui, depuis le début du quinquennat, avait inscrit sa démarche comme un défi permanent à Nicolas Sarkozy, s'est saisi de la question. Il s'est proposé, au nom de son groupe de déposer une proposition de loi pour une interdiction totale. Cette initiative avait le don de montrer les hésitations de Nicolas Sarkozy qui se grattait encore la tête de savoir si une loi était adéquate pour traiter cette épineuse question. Les arrière-pensées de Jean-François Copé étaient visibles pour tous : apparaître comme le grand chevalier défenseur de la laïcité là où l'ensemble de l'exécutif, sous la houlette du couple, Sarkozy-Fillon, bégayait d'hésitation. En rejoignant la positon de Copé, Nicolas Sarkozy fait d'une pierre deux coups : apparaître comme le champion incontesté de la laïcité et couper l'herbe sous les pieds de Jean-François Copé pour l'empêcher de faire cavalier seul sur une question aussi sensible. Même si Nicolas Sarkozy sait mieux que quiconque que cette loi a de fortes chances d'être critiquée par le Conseil d'Etat et retoquée par le Conseil constitutionnel, il insiste pour aller jusqu'au bout de sa démarche. Il sait aussi que l'opposition, notamment socialiste, ne peut pas batailler ouvertement contre ce projet sous peine d'apparaître aux yeux de l'opinion comme une complice objective avec les forces radicales qui fantasment sur une islamisation rampante de la société française. L'embarras de l'opposition est un pur gain pour un président qui cherche à polir son image.