La mission propose une résolution affirmant que la burqa est contraire aux valeurs de la République. Le débat en cours en France sur la burqa devait être entré dans une phase cruciale mardi avec la remise du rapport d'une mission parlementaire qui prône l'interdiction dans les services publics de cette pratique ultra-minoritaire chez les musulmans de France, sur fond de division de la classe politique et de réticence des religieux quant à la nécessité de légiférer. La mission qui planchait sur cette question depuis six mois, à travers une multitude d'auditions, propose une série de mesures dont une simple résolution parlementaire affirmant de manière solennelle que la burqa est «contraire aux valeurs de la République» française, ainsi qu'une loi interdisant cette pratique dans les lieux publics, transports et sorties d'écoles. Le débat sur le port du voile intégral avait été lancé en 2009 par André Gerin, député du Parti communiste français (PCF) et maire de Vénissieux, une banlieue de Lyon réputée pour être «terre d'expansion de la burqa». Ce même André Gerin devient plus tard président de la mission parlementaire où siègent 32 députés de gauche et de droite. Mais si le principe d'une résolution est acquis, l'idée d'une loi ne fait pas consensus. Elle a même fait des ravages au sein de la mission, les membres du PS s'étant retirés des discussions et jusqu'au sein de la majorité, les 17 députés UMP sont divisés. Les socialistes craignent une stigmatisation des musulmans sur une pratique «marginale» qui ne concerne que près de 2.000 femmes dans l'ensemble de la France. De même, ils estiment que le débat sur le port de la burqa a été «pollué par celui sur l'identité nationale», lancé en fin 2009 par le ministre de l'Immigration, Eric Besson. Chez les députés UMP dont le président du groupe parlementaire à l'Assemblée nationale, Jean-François Copé, avait déposé une proposition de loi fin 2009 alors que la mission d'information planchait toujours sur cette question, on redoute qu'une telle loi soit censurée par le Conseil constitutionnel. Il y a aussi le risque d'une «condamnation» de la France par la Cour européenne des droits de l'Homme qui «sonnerait comme une défaite de la République», selon les conclusions du rapport. De leur côté, les représentants des trois religions monothéistes sont unanimes contre l'idée d'une loi générale interdisant le voile intégral, une position qu'ils ont exprimée, dans des déclarations à la presse, à l'issue d'une rencontre avec le président Sarkozy, jeudi dernier, à l'Elysée. Si pour le grand rabbin de France, Gilles Bernheim, le voile intégral est l'expression d'un «souci chez certains musulmans en France» face à une «trop grande libéralisation des mœurs en France», l'archevêque de Paris, Mgr André Vingt-Trois, s'est dit «spontanément (...) réticent à l'idée que la République s'occupe de la manière dont on s'habille». «Que nous ayons un jugement de valeur sur le port du voile intégral, c'est notre droit et il est normal qu'on puisse l'exprimer. Est-ce que ça doit se terminer par des règlements de police et des patrouilles dans les rues, ça me paraît un peu d'un autre ordre», a estimé Mgr André Vingt-Trois. Même son de cloche chez les responsables de la communauté musulmane de France qui ne cessent d'exprimer leur opposition à une loi interdisant le port du voile intégral sur la voie publique, mettant en garde contre les effets pervers d'une telle mesure, notamment le risque de renforcer une pratique marginale. «Je ne sais pas si notre République a intérêt à courir ce risque», a averti Mohamed Moussaoui, président du CFCM, organe suprême représentatif des musulmans de France, notant que le port du voile intégral «n'est pas une prescription religieuse», mais «ceux qui portent une idéologie dont cet habit est une manifestation, risquent d'être renforcés» si une telle loi est adoptée. «Il faut faire tout pour faire reculer cette pratique mais il faut le faire de manière efficace», a dit M. Moussaoui, prônant des «dispositifs réglementaires» qui «visent à résoudre de réels problèmes d'identification», notamment «dans les administrations et les services publics», mais pas sur la voie publique. Une telle loi risque aussi, selon lui, de «stigmatiser» les musulmans de France, une communauté qui a été assez visée ces derniers mois par le débat sur l'identité nationale et celui qui a suivi le référendum interdisant la construction de nouvelles minarets en Suisse. Noureddine Hassan (MAP)