La surenchère a déjà porté ses fruits, puisque face à la sommation politique et idéologique, le PS commence à osciller sur ses fondations, avec son lot de pertes de crédit. A voir et à soupeser la somme d'énergie qu'exige le débat sur la burqa en France, l'impression est vite installée que ce grand tissu noir, synonyme de prison, de privation de liberté et d'obscurantisme, menace de couvrir l'ensemble du territoire et d'engloutir ces femmes dans une pause tout ce qu'il a de moyenâgeux. Cette impression est renforcée par les vives réactions qui ont accompagné la préconisation principale de la mission parlementaire du port du voile intégral qui propose qu'une loi l'interdit dans les services publics et les transports. Même si le débat a semblé s'enflammer, pour les novices, sur un registre presque technique entre prohibition partielle et prohibition totale, il n'en révèle pas moins la puissante obsession qu'est devenue la burqa chez de nombreuses personnalités politiques. Avec une telle insistance qui pousse à marquer cette interrogation : comment une affaire qui touche à peine quelques milliers de personnes peut-elle jouer un rôle aussi configurateur ? L'argument le plus rationnel pour justifier une telle frénésie à lutter de façon radicale contre la burqa est que tolérer sa dissémination progressive équivaut à encourager un système communautaire d'une opacité qui peut menacer et remettre en cause le vivre ensemble républicain. Dans ce contexte, il se trouve toujours une bonne âme pour rappeler le slogan mobilisateur des islamistes radicaux algériens des années 90 : «Ne modernisons pas l'Islam, islamisons la modernité». Le fait est que depuis que Nicolas Sarkozy a déclaré à Versailles la burqa, vocation vestimentaire non grata dans les territoires de la République, elle est devenue un objet de surenchère sur lequel des hommes politiques de gauche comme de droite étalonnent leur adhésion aux valeurs de la République et mesurent par conséquent celle de leurs adversaires. A titre d'illustration : deux exemples. Le premier : qu'un homme comme Jean-François Copé, le patron du groupe UMP à l'Assemblée nationale, mène le combat de la lutte radicale contre la burqa en utilisant l'arsenal le plus répressif pour l'éradiquer, n'est pas uniquement en train de participer à une réflexion de société, ni de faire valoir les prérogatives de l'hyper Parlement qui le tiennent tant à cœur. Il est en train de se construire une image du plus infatigable défenseur du temple républicain. L'homme a déjà pris rendez-vous avec la présidentielle de 2017 et ne rate aucune occasion pour distiller une musique différente de Nicolas Sarkozy, originale au sein de la majorité présidentielle. Le second exemple de cette inarrêtable surenchère est lorsque la droite la plus engagée dans la lutte contre la burqa lance des missiles politiques contre la gauche en général et le Parti socialiste en particulier le sommant de la suivre dans sa radicalité sous peine d'apparaître comme des complices objectifs des fanatiques islamistes qui rêvent de détruire le modèle républicain. Cette surenchère a déjà porté ses fruits, puisque face à cette sommation politique et idéologique, le PS commence à osciller sur ses fondations, avec son lot de pertes de crédit. Très dur pour une formation politique qui peine à en retrouver.