Le débat sur l'identité nationale, qui se cristallise par un télescopage inédit sur le voile intégral ou la burqa, est en train de devenir la grande mare de sable. En termes politiques, la gestion est désastreuse. Tant d'amateurisme, tant d'improvisations, tant d'incohérences… Cela ne ressemble pas à Nicolas Sarkozy et sa légendaire intelligence politique qui l'avait aidé à se hisser au sommet dans une conjoncture où d'autres challengers aussi bien, sinon mieux outillés, flirtaient avec les sous-sols. Le débat sur l'identité nationale, qui se cristallise par un télescopage inédit sur le voile intégral ou la burqa, est en train de devenir la grande mare de sable mouvant qui peut engloutir toutes les ambitions, dérégler toutes les stratégies. Enhardi par une défense, passionné, diront ses supporters, opportuniste, révéleront ses détracteurs, du vivre ensemble républicain, Nicolas Sarkozy avait déclaré non grata la burqa. Elle est incompatible avec l'esprit et la lettre républicaine. Comment la faire disparaître ? L'interdire par une loi ? L'extraire par une pédagogie ? A tous ceux qui dénonçaient l'excès de zèle à évoquer une question qui ne touche qu'une infime minorité, pas plus de quatre cents personnes recensées sur l'ensemble du territoire français à s'emmitoufler dans un voile intégral, la réponse était toute prête, mue par une obsession anticipative : Aujourd'hui 400, demain 1.000 et après demain ? Pour se donner le temps de la réflexion nécessaire, une mission d'information parlementaire a été créée. Objectif : écouter l'ensemble des protagonistes, prendre le recul indispensable pour se faire une idée sur un sujet aussi épineux. Cette mission devait remettre ses préconisations début janvier prochain. Et alors que le président de la République avait exprimé le souhait, lors de sa rencontre avec le président du CFCM Mohamed Moussaoui, de voir cette mission d'information «aller jusqu'au bout» de ses travaux et recommandations, le patron du groupe UMP Jean-François Copé annonce qu'un projet de loi pour interdire la burqa est déjà prêt et sera déposé devant l'Assemblée nationale dès la rentrée, après la trêve des confiseurs. Cette situation a donné un coup d'accélérateur aux tensions au sein de la majorité présidentielle sur un sujet dont Nicolas Sarkozy paraît avoir perdu la capacité d'imposer un timing. La question devient politiquement encore plus croustillante quand on sait les relations difficiles que Jean-François Copé a toujours entretenues avec le président de la République. Jean-François Copé fait partie de ces nombreuses voix de droite qui ont pris publiquement leur distance avec la gouvernance Sarkozy et qui ne se gênent pas outre mesure pour en montrer et en dénoncer les incohérences. Quitte à le faire avec le sourire malicieux des éléphants maladroits dans un magasin de porcelaine. Il est candidat déclaré pour l'élection présidentielle de 2017 à laquelle Nicolas Sarkozy ne peu concourir pour cause d'impossibilité constitutionnelle d'exercer trois mandats successifs. Dans cette atmosphère de compétitions et de défiance ouvertes, l'affaire de la burqa comme celle des zones d'ombre de grand débat sur l'identité nationale, entrent dans une grande surenchère politique où il paraît de plus en plus difficile pour Nicolas Sarkozy de garder la main et de maîtriser l'agenda.