Pour les Musulmans de France, l'année 2009 aura été porteuse de grands acquis pour une meilleure reconnaissance de leur culte mais aussi de profondes préoccupations suscitées par des dérapages qui ont remis au devant de la scène les craintes de la montée de l'islamophobie. Par Noureddine HASSANI Si l'année écoulée a été marquée par une prise de conscience grandissante au niveau institutionnel de la place qu'occupe l'islam en tant que deuxième religion en France, la seconde moitié de l'année a été décevante pour les Musulmans de l'Hexagone au vu de la recrudescence des actes de profanation qui ont visé des mosquées et des carrés musulmans ainsi que des différents signes du repli populaire, voire d'islamophobie. Au cours de l'année 2009, les constructions de mosquées se sont accélérées en France, avec des projets de grande mosquée à Marseille, Strasbourg, Saint-Etienne, Nantes, Paris, Tours, Saint-Denis, Cergy-Pontoise, sans parler des petits lieux de culte, dont on dénombre une dizaine, ce qui ne manquera pas d'assurer l'encadrement religieux des 5 millions de musulmans de l'Hexagone. Pour la communauté musulmane de Marseille, le 6 novembre 2009 a été un jour historique, puisqu'il symbolise la concrétisation d'un rêve qu'ils ont tant attendu : la remise du permis de construire de la Grande mosquée de cette métropole française. Cet édifice sera le premier acte concret en hommage à la communauté musulmane de Marseille, puisque, rappelons-le, plusieurs projets de grande mosquée avaient vu le jour depuis 1937, mais aucun n'a pu aboutir. Si la Grande mosquée de Marseille attend encore le début des travaux de sa construction en avril 2010, celle de Strasbourg a d'ores et déjà bien franchi une étape très avancée après la pose de sa coupole, le jour même de l'Aïd Al-Adha, un édifice qui pèse 18 tonnes et culminera à 20 m de hauteur. A Saint-Etienne, par ailleurs, la Grande mosquée est presque achevée et son inauguration est prévue au printemps 2010, pour le plus grand bonheur des Musulmans de la région. Cet édifice de 1.400 m2 a bénéficié d'un don de SM le Roi Mohammed VI dédié à sa décoration aux couleurs du Maroc. Outre la construction de mosquées, les acquis en termes de services rendus à la communauté prennent de plus en plus forme, que ce soit en matière de la normalisation de l'abattage rituel, du foisonnement des produits alimentaires "halal" ou de lŒaménagement de cimetières ou carrés musulmans. Mais ces acquis ne pouvaient voir le jour sans la mobilisation des Musulmans de l'Hexagone, avec à leur tête le Conseil français du culte musulman (CFCM) qui a gagné en crédibilité et se positionne de plus en plus comme un interlocuteur respecté jouissant de la confiance de l'Etat et des différentes composantes de la communauté musulmane. Il faut souligner aussi le rôle d'avant-garde joué par certains élus français locaux, car derrière chaque projet de mosquée qui se concrétise, il y a un soutien infaillible de maires ou de présidents de région éclairés et conscients du besoin des Musulmans de pratiquer leur culte dans la dignité. 2009 a été également marquée par la transmission en direct sur une chaîne de télévision publique (France 2) de la prière de l'Aïd Al-Fitr, une première en France qui ne manquera pas d'être rééditée. Cette année a été durement ressentie par les Musulmans de France qui se sentent autant visés par les débats, toujours en cours, sur l'identité nationale (française) et le burqa (voile intégral), que désemparés face à la recrudescence des actes de profanation visant leurs lieux de culte ou leurs sites funéraires. En effet, si la question du burqa n'interpelle pas les Musulmans du fait que le port de ce «voile intégral» est une pratique ultra minoritaire, car ne concernant que près de 2.000 femmes en France, celle de l'identité nationale les propulse au devant de la scène, après que le débat sur cette question a pris une tournure regrettable. Des dérapages tendant à remettre en cause la "francité" des Français de confession musulmane ont été enregistrés, surtout depuis le référendum suisse, fin novembre, interdisant les minarets. La "votation" hélvétique semble avoir donné un exutoire aux porte-voix de l'extrême droite français qui se sont mobilisé localement contre les minarets en France, de même qu'elle a servi à libérer les velléités islamophobes de certains groupes racistes. C'est ainsi qu'une mosquée de Castres (sud) a été profanée, dans la nuit du 14 décembre, par des inconnus qui ont inscrit des propos xénophobes sur ses murs, un acte qui a été largement condamné par les forces vives de la nation française. Deux mois auparavant, une mosquée à Tarbes (Sud-Ouest) a été, elle aussi, profanée par des inscriptions répugnantes, acte suivi en moins d'une semaine par la profanation au cimetière de Mont-Joie Saint-Martin (nord-ouest), de huit tombes de soldats marocains morts pour la libération de la France durant la Seconde guerre mondiale, suscitant une vaste vague d'indignation. Le président Nicolas Sarkozy avait alors condamné avec la plus grande fermeté cet acte "raciste particulièrement odieux". Saisi le 23 décembre par le CFCM au sujet de la stigmatisation des musulmans et des "dérapages qui ont jalonné les débats sur l'identité nationale et le voile intégral", le chef de l'Etat français a réaffirmé "sa détermination à faire en sorte que les musulmans de France jouissent des mêmes droits que tous les autres citoyens", a indiqué le président du Conseil, Mohamed Moussaoui. M. Sarkozy devrait se rendre prochainement au cimetière militaire Notre-Dame De Lorette, à Arras (nord), pour honorer la mémoire des soldats musulmans morts pour la France, une visite qui devrait donner un "signal fort" en direction des musulmans de l'Hexagone et apaiser les esprits à la veille du nouvel an.