La polémique au sein du gouvernement sur la burqa et ses conséquences politiques était si vive que, participant au sommet de l'Union européenne à Bruxelles, Nicolas Sarkozy fut interpellé sur la question. Voilà une de ces belles polémiques idéologiques et sociétales dont les Français raffolent : faut-il oui ou non interdire aux Françaises de confession musulmane de porter la burqa, ce voile intégral qui cache la totalité du corps ? L'affaire fut déclenchée lorsque, contre toute attente, un député communiste, André Guérin, réclame une commission parlementaire sur le port de ce voile très particulier. Il n'en fallait pas plus pour que les esprits s'enflamment. La presse réserve ses plus belles manchettes à ce sujet visuel et porteur, la radio des émissions de débats électriques avec un tel engagement que l'impression est donnée que les banlieues sont en voie express de «pachtounisation». La proposition a obligé de nombreux hommes politiques et associatifs à se positionner, mais celui qui a vraiment donné un coup d'accélérateur à ce débat n'est autre que Luc Chatel, porte-parole du gouvernement. Il n'a pas exclu que le Parlement puisse légiférer sur la question. La tension fut à son comble et le débat s'est brusquement transformé: est-il politiquement opportun de recourir à l'arsenal législatif pour organiser le vestimentaire religieux? Le gouvernement français, décrit comme rangé comme un seul homme derrière Nicolas Sarkozy à la veille d'un remaniement ministériel, a ouvertement laissé apparaître ses déchirures et ses contradictions. Tandis que des femmes politiques comme Fadela Amara et Rama Yade adoptent une ligne radicale qualifiant pour l'une la burqa de «cercueil» alors que l'autre appelle à «la défense de la laïcité à titre préventif», Eric Besson, ministre de l'Immigration montre quelques pudeurs. En effet, l'ancien socialiste reconverti à la religion du Sarkozysme n'a pas jugé utile une nouvelle législation sur le sujet qui risque de perturber dangereusement «l'équilibre (qui ) a été trouvé avec la loi de 2004», cette loi qui réglemente le port du voile dans les établissements publiques. Et à Eric Besson d'être plus explicite: «Il faut lutter contre le développement de la burqa, cela ne fait pas l'ombre d'un doute, mais il faut le faire par l'éducation, par la pédagogie, par le dialogue. La loi serait inefficace et ça créerait des tensions qui n'ont pas lieu d'être en ce moment». La polémique au sein du gouvernement sur la burqa et ses conséquences politiques était si vive que, participant au sommet de l'Union européenne à Bruxelles, Nicolas Sarkozy fut interpellé sur la question. Et le président de la République, d'habitude si prompt à formuler une opinion sur tout ce qui bouge, marqua une flagrante hésitation. Il renvoya une opinion assoiffée au grand discours qu'il s'apprête à prononcer, ce lundi, devant les deux Chambres réunies en Congrès à Versailles. Avec un argumentaire qui en dit le long sur l'énormité du piège dans lequel sa stratégie risque d'être enfermée : «Mon rôle de président de la République, c'est d'essayer de mettre les réponses dans un contexte général et d'expliquer des tendances lourdes et non pas de réagir à l'émotion du moment». Il faut dire que Nicolas Sarkozy sort d'une séquence assez particulière sur le sujet. Lorsque recevant le 6 juin dernier le président américain, Barack Obama, pour les festivités du 65ième anniversaire du débarquement, il était obligé de commettre une énorme omission en affirmant : «qu'en France, toute jeune fille qui veut porter le voile peut le faire». Nicolas Sarkozy venait de répondre à Barack Obama qui venait de critiquer au Caire les pays qui veulent imposer «les vêtements qu'une femme doit porter». La sortie de Barack Obama sur le voile avait enclenché un sourd débat en France. Le président américain qui a le vent en poupe et qui incarne le renouveau américain, a remis en question une équation qui semblait bien établie en France. Le débat était déjà sinon tranché du moins apaisé. Le brusque débat sur la burqa semble réactualiser les passions sur le sujet. Le CFCM, l'organisation institutionnelle chargée de représenter les musulmans de France que dirige le Marocain Mohamed Moussaoui, est sorti de sa torpeur pour exprimer une position forte sur le sujet. Tout en s'opposant à la formation d'une commission qui remet en cause la burqa, le CFCM «entend faire part de sa profonde préoccupation quant à la façon dont est évoqué ce sujet qui risque encore une fois de stigmatiser gravement l'Islam et les musulmans de France».