Brice Hortefeux a réussi à transformer une question politique identifiée en brouhaha médiatique sans queue ni tête. Si le but invisible de toute cette manœuvre politicienne sur la burqa et la possible polygamie d'un boucher nantais était d'occuper le terrain politique et médiatique pour faire oublier aux Français les dures réalités sociales, la persistance du chômage, le pouvoir d'achat en berne, la douloureuse réforme des retraites qui les attend, Brice Hortefeux, ministre de l'Intérieur serait en train d'appliquer une des stratégies de communication les plus efficaces. Brice Hortefeux serait un homme politique à applaudir. Tant de flairs, tant de capacités à réagir et à instrumentaliser les événements pour le bénéfice de sa famille politique. Il serait à classer dans la lignée des grands ministres de l'Intérieur, retors à souhait et manipulateur à l'envie. Sauf que dans cette séquence de l'ère Sarkozy où gouvernance rime avec fébrilité, il n'est pas du tout certain que ce soit Brice Hortefeux lui-même qui commande les événements et ordonne leur agencement politique. D'une affaire plus qu'entendue entre la gauche et la droite sur la nécessité d'interdire la burqa, la nuance de taille étant, limiter l'interdiction aux services publics ou la rendre générale, Brice Hortefeux a réussi, à cause d'une excès de zèle de novice et d'une précipitation non professionnelle, à transformer une question politique identifiée en brouhaha médiatique sans queue ni tête. Au point où un journal aussi retenu aussi réfléchi que «Le Monde» adopte une étrange intonation éditoriale à son égard. «La burqa est un piège. Un piège stupide. Un piège indigne. Si l'on était aussi irréfléchi que M. Hortefeux, on demanderait volontiers sa «déchéance ministérielle»». Rarement un ministre n'a eu droit à une charge aussi violente de la part d'un journal aussi sérieux. Brice Hortefeux encaisse très mal et répond en prenant des airs de victime: «En appelant à ma propre «déchéance ministérielle», vous n'êtes pas loin de rejoindre Tariq Ramadan qui m'accuse, lui, de «trahir les valeurs de la France»». Cet échange épicé a de fortes chances de maintenir encore longtemps Brice Hortefeux sous les feux de la rampe. Avant de s'enfermer dans un tête-à-tête de provocation et d'arrogance avec cette caricature poussée à l'excès qu'incarne Liès Hebbadj et d'y jouer une pièce de mauvais goût intitulée «Epouse et concubines» sur fond de burqa et d'allocations familiales, Brice Hortefeux venait à peine de sortir de la sulfureuse séquence «auvergnate», sur le ton «Un arabe ça va, C'est quand il y en a beaucoup que cela pose problème». A cette période, Nicolas Sarkozy avait mobilisé toute son énergie pour voler au secours de son ami. Brice Hortefeux, raciste? Jamais. Aujourd'hui, il n'est pas certain que le président de la République puisse avoir la même mansuétude. Non que les travers de son ministre de l'Intérieur soient subitement visibles à l'œil nu, mais parce que cette affaire montre avec quel amateurisme, quelle mauvaise maîtrise des dossiers aussi explosifs sont traités. L'unique consolation de Nicolas Sarkozy, qui se targue régulièrement d'avoir «tué» le poste de ministre de l'Intérieur, c'est de constater que les gestes fiévreux et maladroits de Brice Hortefeux sont autant de signes pour lui plaire et tenter de lui ressembler. Emouvant.