Même si Eric Besson a su habiller son retrait par un juridisme pointilleux, il n'en demeure pas moins que le virage opéré est une reconnaissance explicite de l'incapacité à pratiquer les tests ADN. Logiquement, la majorité présidentielle doit manger son chapeau avec rage et la gauche crier sa victoire avec passion. Presque deux ans après avoir lancé un des débats de société les plus configurateurs de son mandat, Nicolas Sarkozy opère en douce une grande marche arrière. Le sujet, ces sont les tests ADN envisagés comme une méthode de contrôler davantage les candidats à l'immigration au titre du regroupement familial. Le mécano qui s'est occupé de la manœuvre n'est autre que Eric Besson, ministre de l'immigration et de l'identité nationale, le successeur de Brice Hortefeux. Même si Eric Besson a su habiller son retrait par un juridisme pointilleux : «Je ne signerai pas ce décret d'application, pour une raison simple. Je ne suis pas en mesure dans les délais impartis par la loi, le 31 décembre prochain, de respecter l'esprit et la lettre de la loi», il n'en demeure pas moins que le virage opéré est une reconnaissance explicite de l'incapacité à pratiquer ces tests avec un aveu de taille : «Nos consulats ne sont pas équipés pour ces tests génétiques». Pour bien apprécier l'épaisseur du virage, il faut rappeler avec quel militantisme passionné le gouvernement Sarkozy s'était investi dans le défense de ces tests ADN au risque non seulement de donner des armes à la gauche pour le combattre sur le terrain de la morale et des valeurs, mais aussi de faire imploser de l'intérieur le fragile échafaud de l'ouverture mis en place. Tout le monde se souvient du mémorable coup de gueule poussé par la secrétaire d'Etat à la Banlieue Fadela Amara : «Y en a marre qu'on instrumentalise à chaque fois l'immigration, pour des raisons très précises. Je trouve cela dégueulasse». Pour Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, les tests ADN furent presque l'unique sujet sur lequel il avait osé montrer sa différence d'appréciation avec Nicolas Sarkozy. Parmi les réactions les plus significatives pour saluer ce retrait fut celle de SOS Racisme qui avait lancé une percutante campagne «Ne touche pas à mon ADN». L'association se réjouit «qu'à l'issue du combat que nous avions mené contre cette disposition populiste visant à associer les étrangers à des fraudeurs, le dispositif n'était plus opératoire sur le plan technique (...) et peu défendable sur le plan de l'éthique républicaine». Cruelle ironie du calendrier, c'est au moment même où l'ex-ministre de l'Immigration Brice Hortefeux se trouve dans l'œil d'un cyclone politique et médiatique pour des propos jugés racistes, que le projet qui l'a le plus marqué est jeté aux oubliettes. Un double désaveu qui ne va pas être d'une grande utilité pour la communication de l'actuelle ministre de l'Intérieur qu'est devenu Brice Hortefeux. Eric Besson reconnaît que c'est Brice Hortefeux en personne qui avait suggéré sa nomination à Nicolas Sarkozy. Ce n'est donc pas une surprise de le voir rejoindre la bataillon de ministres monté au créneau, en tenue de bataille, sur ordre de l'Elysée pour sauver le soldat Brice du bourbier raciste dans lequel son excessive décontraction l'a plombé. A ce sujet même, Eric Besson, l'homme qui affirme être fier de ses origines marocaines, ayant passé 17 ans au Maroc, devra entrer dans le buzz de l'indignation à travers deux éléments concrets. Le premier repose sur une vidéo enregistrée lors de l'Université d'été de l'UMP le montrant, entouré de jeunes militants, adresser un vulgaire doigt d'honneur aux journalistes qui lui posaient des questions sur l'arrivée de Philipe de Villiers au sein de la majorité présidentielle. Le second élément est la sortie prochaine d'un livre de l'ex-compagne d'Eric Besson, Sylvie Brunel, que le microcosme affirme contenir des révélations croustillantes. Heureusement, pour Nicolas Sarkozy, alors que la gauche pourrait se réjouir et engranger des bénéfices de ce recul sur les tests ADN auquels même Carla Bruni Sarkozy était opposée, le voilà qui fait un énorme virage sur un sujet explosif sans qu'il puisse y laisser des plumes politiques. L'opposition étant dans un tel état de délabrement que sa voix indignée ne porte pas plus loin que la rue Solférino.