Dans les courtes semaines qui arrivent, François Fillon, qui entame le 17 mai sa troisième année à Matignon, joue une partie très serrée. Le pari est facile à prendre. A examiner l'agenda du Premier ministre François Fillon des prochaines semaines qui nous séparent des élections européennes du 7 juin, le locataire de Matignon, d'habitude taciturne et en retrait forcé, apparaîtra dans le radar de l'actualité plus de temps qu'il n'a eu à le faire ces derniers mois. L'homme a ressorti de son placard sa tenue de combat électoral qui avait fait son bonheur lors des dernières présidentielles, avec argumentaires choc à dégoupiller, flèches empoisonnées à décocher en direction de l'opposition. C'est que François Fillon a véritablement endossé le chef de campagne de l'UMP, parti de la majorité présidentielle dans cette course au Parlement de Bruxelles. La question était sur toutes les lèvres depuis que, dans la douleur des négociations, le parti du président avait finalisé ses listes et lancé ses troupes à l'assaut des Français que menace un fort taux d'abstention. Dans ce rôle qui peut être aussi ingrat dans la défaite que fructueux dans la victoire, François Fillon était symboliquement concurrencé par deux hommes. Le premier est Nicolas Sarkozy qui, fonction et tempérament obligent, s'est imposé tout au long de ces préparatifs à ces européennes comme le théoricien du projet et l'architecte de la machine. Le second est Xavier Bertrand dépêché par le président de la République à la tête de l'UMP pour y mettre de l'ordre et préparer les troupes à la conquête et à la victoire. De ministre technique du travail, à secrétaire général de l'UMP, à chef de campagne dans une élection à la symbolique majeure, l'ascension aura été trop rapide pour un homme dont la dévorante ambition ne fait pas l'unanimité. La charge revient donc au Premier ministre François Fillon. Et comme le dit si bien le socialiste Jack Lang : «Un vote européen est nécessairement double. D'un côté, un vote pour une certaine conception de l'Europe, et de l'autre nécessairement un vote d'appréciation et éventuellement de sanction à l'égard du gouvernement». Dans cette équation, Nicolas Sarkozy qui a obligé François Fillon à reprendre son bâton électoral, semble concéder à son opposition que les européennes se joueront d'abord sur le bilan de sa gouvernance. Dans les courtes semaines qui arrivent, François Fillon, qui entame le 17 mai sa troisième année à Matignon, joue une partie très serrée. Il est vrai que les heureuses indications des sondages et le piteux état de l'opposition socialiste lui autorisent les rêves les plus fous. Comme celui de faire un quinquennat complet. D'ailleurs, dans le microcosme, cette hypothèse, aussi incongrue soit-elle, n'horrifie personne, comme en témoignent les récentes déclarations de Nadine Morano, la secrétaire d'Etat à la Famille qui constate que «pour le vivre au quotidien je trouve que le tandem fonctionne de façon parfaitement complémentaire (…) ça ne me choquerait pas que (M. Fillon) reste tout le quinquennat. Honnêtement, je pense que c'est une option qui peut être envisagée au regard de la façon de gérer l'équipe gouvernementale de la part de François Fillon». Cette hypothèse semble la seule voie qui fait encore fantasmer François Fillon. L'homme ne rate aucune occasion de la décliner sur tous les tons comme quand il déclame : «J'ai toujours dit que j'étais favorable à la stabilité. Ce dont on a besoin, c'est de continuité dans l'action». Ou quand il s'amuse à décrire ses relations avec Nicolas Sarkozy : «Je suis dans une relation de confiance totale avec le président de la République (…) ce travail pour lequel le président m'a choisi, je m'y consacre entièrement sans penser à mes lendemains». Cette fonction de chef de campagne a bien entendu ses petits travers et ses grands soucis. Dans le cas d'une défaite ou même d'une victoire non satisfaisante, François Fillon sera obligé de jouer les aspirateurs de frustrations qui, en fidèle soldat de la Sarkozie, doit prendre sur lui même l'ensemble de l'échec et tenter d'épargner le président. La notion de «fusible» qui a toujours collé aux Premiers ministres ne prendra que plus d'ampleur et de véracité.