L'erreur d'Ariel Sharon, dès le départ, a été d'isoler le président Arafat par une réaction de colère contre le terrorisme, et non pour un acte de gouvernement réfléchi, dont on aurait espéré les fruits politiques. A présent, il n'y a plus d'issue. Un bilan de quatre années de l'Intifada est établi par l'analyste Alouf Ben, dans le quotidien Haaretz. Il l'a intitulé «Les échos», de tous les efforts pour isoler le président Yasser Arafat et le mettre hors jeu : «Beaucoup d'énergie a été investie dans le combat personnel contre le leader palestinien, sans aucun résultat convaincant». Il est vrai que dans sa prison de la Moukata, Yasser Arafat est resté l'instance suprême du peuple palestinien. Ceux qui ont voulu faire preuve d'indépendance à son égard ont perdu leurs postes, ou bien, comme Mohamed Dahlan, sont allés à Canossa. En fait, la position de Yasser Arafat apparaît, en politique, meilleure que celle d'Ariel Sharon par rapport à son parti, le Likoud. Certes, Ehoud Barak ou Ariel Sharon semblent avoir réussi à convaincre l'opinion publique israélienne, comme une grande partie de l'opinion mondiale, américaine en tête, que Yasser Arafat ne serait pas un partenaire, mais un dirigeant problématique et « causeur de troubles ». Même Yossi Beilin, nouveau chef de la gauche israélienne qui reconnaît la légitimité du président de l'Autorité palestinienne, propose, à présent, de négocier avec lui par le biais d'intermédiaires. Il faut rappeler, avec Alouf Ben, que la politique « d'isolement a connu plusieurs versions. Elle est née d'une réaction instinctive de Sharon après l'assassinat du ministre israélien du Tourisme, Ghandi, en 2001. Ensuite, elle fut présentée en compromis, entre ceux qui voulaient éliminer le président Arafat ou ceux qui voulaient négocier avec lui. En 2003, la nouvelle thèse prétendait que l'isolement du président palestinien amènerait l'émergence d'une « direction alternative ». A présent, le gouvernement israélien essaie d'ignorer toute direction palestinienne. Selon Ariel Sharon, l'avantage de la situation actuelle serait : « Tant qu'Arafat est au pouvoir, Israël est dispensé de toute négociation et bénéficie d'une liberté de manœuvre ». Il apparaît que les deux candidats à la présidence des Etats-Unis auraient promis de « boycotter » Arafat. Même les Européens ne font plus pression pour le libérer. D'ailleurs, Sharon a laissé entendre aux partisans de Kerry, que le retour d'Arafat à Gaza pourrait faire capoter le désengagement. Il apparaît, donc, que l'échec d'Israël contre Arafat, affirme Alouf Ben, n'est pas dans le combat personnel contre l'homme, mais contre le symbole. La forte pression israélienne, malgré le soutien américain, n'avait pas réussi, faut-il le constater, à faire bouger d'un millimètre les Palestiniens de leurs positions à Camp David ou à Taba. La lettre de Sharon au président Bush, en avril dernier, représente un succès diplomatique, mais ne l'éloigne pas beaucoup des propositions de Bill Clinton. Le président, pour sa part, est resté sur ses positions avec le soutien grandissant de l'ONU, sous la parapluie de la Cour de justice internationale de la Haye. Donc, c'est bien Sharon qui semble contraint de préparer un retrait « unilatéral » de Gaza et du Nord de Cisjordanie. Mais , aussi, par arrêt de la Cour suprême d'Israël, de rapprocher la barrière de la ligne verte et d'éviter de porter atteinte à la vie normale des Palestiniens. L'erreur d'Ariel Sharon, dès le départ, a été d'isoler le président Arafat par une réaction de colère contre le terrorisme, et non pour un acte de gouvernement réfléchi, dont on aurait espéré les fruits politiques. A présent, il n'y a plus d'issue. D'autant que la libération du président Arafat de la Moukata est devenue, en Israël, un « acte de suicide politique ». Même la proposition d'autoriser les policiers palestiniens de porter des armes a été enterrée sur la pression de la droite. Et nul n'ose proposer la renaissance du symbole d'Oslo , haï aujourd'hui par le Likoud, les religieux et toute la droite. En conclusion, il semble que Sharon risque d'être limogé par la droite, pour moins que cela. La confrontation vécue, depuis cinq ans, est loin de sa fin. Et même en cas d'application du désengagement, les Palestiniens essayeront, naturellement, de tirer profit du chaos et de l'anarchie de destruction de la bande de Gaza. A court terme, Sharon serait félicité pour le démantèlement des colonies de Gaza. Mai peut-il maintenir l'occupation en Cisjordanie, avec le prix moral et international que cela représente ? Peut-il garder, encore longtemps, dans sa maison d'arrêt de Moukata, le président Yasser Arafat ?