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Un corrupteur sans corrompu
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 28 - 01 - 2004

Il est possible d'accuser un corrupteur sans, pour autant, présenter un acte d'accusation contre celui qui a reçu l'argent de la corruption, Ariel Sharon… Parce qu'il ignorait ce que l'on attendait de lui…
Nous avons tout d'abord exposé la réaction d'Ahmed Qoreï (Abou Ala) par un « Etat binational » contre la menace d'Ariel Sharon qui avait déclaré une « séparation unilatérale », en outre, une confirmation du Président Arafat de sa fidélité à la création d'un « Etat palestinien » ayant Al Qods comme capitale. Nous avons, également, évoqué la tension « Arafat-Barghouti », correspondant à la lutte du Président de l'Autorité palestinienne contre le passage de cellules de combattants du Tanzim, sous l'influence du Hizbollah.
Depuis le 21 janvier dernier, - jour du 1er anniversaire du gouvernement actuel d'Israël -, une campagne réclamant la démission d'Ariel Sharon accusé de corruption, se développe. En effet, la presse israélienne consacre ses premières pages et ses principales analyses aux démêlés judiciaires de Sharon. Un acte d'accusation a été arrêté par le procureur général contre l'entrepreneur David Appel pour tentative de corruption du chef du gouvernement.
David Appel est accusé d'avoir versé des fonds à Ariel Sharon, - alors ministre des Affaires étrangères du gouvernement Netanyahou -, pour une intervention en faveur de la promotion d'un gigantesque projet touristique dans une Ile grecque. Il s'agit, en fait, du financement de la campagne électorale d'Ariel Sharon, avec une implication d'Ehoud Oulmert, à l'époque maire de Jérusalem. Cette affaire de corruption de celui qui devait devenir le chef du gouvernement d'Israël, est la première dans l'Histoire du pays.
La presse israélienne explique, curieusement, dès le départ, qu'il est théoriquement possible d'accuser un prévenu de corruption, à la condition qu'il ait ignoré ce que l'on attendait de lui… En un mot, il ne faut pas obligatoirement deux, pour établir la corruption, car, il peut y avoir un corrupteur sans corrompu… Dans cet imbroglio juridique – à l'anglo-saxonne-, il serait, donc, difficile de prouver une intention pénale de la part d'Ariel Sharon afin de l'accuser d'avoir fourni le moindre service en contrepartie de l'argent reçu « de bonne foi » par son fils Guilad: Au titre de ses propres services de conseils même fictifs, et non au profit de son père.
Dans les milieux politiques, insiste la presse, les développements judiciaires contraindraient, cependant, Ariel Sharon à la démission, combien même les accusations du procureur général n'aboutissaient pas. Dans son parti, le Likoud, certains se préparent, discrètement, à une telle éventualité en proposant des élections primaires au sein du Conseil central. Afin de présenter des candidatures, à la succession du chef du gouvernement : Benyamin Netanyahou, Silvain Shalom, Mme Limor Livnat ou Ehoud Oulmert. Dans l'opposition travailliste, on espère convaincre le parti de la laïcité du Shinoui, de quitter la coalition gouvernementale pour provoquer de nouvelles élections législatives. Dès le deuxième jour de la campagne de presse, - le 22 janvier 2004 -, Ariel Sharon subit son interrogation par le procureur général qui estime qu' « il y a assez de preuves pour présenter un acte d'accusation contre le chef du gouvernement. La décision finale ne sera prise, cependant, que dans quelques semaines par le nouveau conseiller juridique du gouvernement, après la clôture de l'enquête en cours »… Il est pourtant établi que de l'acte d'accusation contre David Appel, il ressort que Ariel Sharon était au courant du projet touristique de l'Ile grecque ainsi que, assure le procureur, des sommes fabuleuses promises à son fils Guilad. C'est pourquoi, estiment les analystes « même si en fin de compte aucun acte d'accusation n'était présenté contre le chef du gouvernement faute de preuves irréfutables, Sharon n'en a pas moins reçu un coup dur. Dès le 21 janvier 2004, il était difficile de trouver un politicien – de la coalition ou de l'opposition -, prêt à parier qu'il arriverait au terme de son mandat, en 2007. Dans le parti Likoud, personne ne souhaite le départ de Sharon dans de telles conditions. Aucun candidat à la succession n'osera s'y risquer : Ehoud Oulmert ou Mme Limor Livnat craignant l'opposition du Comité central ou Silvain Shalom du fait de son échec total au ministère des Finances. Il reste Benyamin Netanyahou devenu, soudain, un successeur naturel, à la condition qu'il puisse éviter ses grosses erreurs habituelles.
De son côté, Ariel Sharon espère «être lavé de tout soupçon de corruption par le nouveau Conseiller juridique du gouvernement – dont la nomination par le Conseil des ministres était prévue dès le dimanche dernier – c'est pourquoi, le Premier ministre n'hésite pas à s'exclamer « Je ne démissionnerai pas.
Dans un an, je serai encore à la tête du gouvernement ». Il va jusqu'à répondre à Shimon Peres, chef de l'opposition travailliste qui l'invite à s'expliquer devant le peuple: « sur les affaires, j'ai dit tout ce que j'avais à dire. Et je n'ai rien à ajouter». Il n'en demeure pas moins que, dès le deuxième jour de la campagne de presse, 49% des citoyens israéliens estiment qu'il doit démissionner, contre 38% favorables à la poursuite de son mandat. Pis encore, 53% croient Sharon impliqué dans les affaires de corruption, 56% sont mécontents du gouvernement et 74% rejettent le bilan économique de Netanyahou.
Le vendredi 23 janvier, la campagne pour la démission d'Ariel Sharon se poursuit et la demande d'élections anticipées se renforce. Cela n'empêche pas Sharon de continuer à affirmer, publiquement, qu'il n'entendait pas démissionner: « je resterai à la tête du gouvernement jusqu'en 2007… au moins». Pourtant de nouvelles accusations se révèlent chaque jour.
Après la présentation de cassettes par un ancien conseiller venant prouver, devant la télévision, que son patron a menti au procureur, un directeur des biens fonciers de l'Etat, est venu démontrer que Sharon, alors ministre concerné, avait déjà défendu David Appel. Celui-ci était accusé de s'être accaparé de terrains agricoles pour réaliser des opérations immobilières auprès de l'aéroport international de Lod. D'autre part, Tomy Lapid, ministre de la Justice écrit dans un article de l'organe du Shinoui « la situation impossible dans laquelle nous nous sommes embourbés, qui signifie versement de sang, régression économique et isolement international, exige la formation d'une autre coalition dans laquelle les Travaillistes prendront la place des deux partis de droite extrémistes ».
Au quatrième jour, - le dimanche 25 janvier dernier -, la presse ne veut pas se laisser impressionner par la libération des 400 prisonniers palestiniens et des 23 libanais, en contrepartie, de trois corps de soldats israéliens et d'un homme d'affaires détenu par le Hizbollah.
Les analystes des grands quotidiens, rappellent les problèmes d'Ariel Sharon devant la justice pour corruption. En y ajoutant, la prochaine rencontre avec le président Bush qui s'oppose à la « séparation unilatérale » avec les Palestiniens et, surtout, le dossier du «mur de sécurité », - en zig-zag -, dont s'est saisie la Cour internationale de justice de La Haye.
Pendant quatre jours et à l'occasion du 1er anniversaire du gouvernement composé d'une coalition disparate, - composée de partis soutenant ou s'opposant aux colonies et au mur de sécurité, en dehors de la ligne des frontières de 1967-, la campagne contre Ariel Sharon s'est aggravée.
Elle arrive ainsi, à une conclusion : « les hommes politiques entendent imposer à leur opinion publique, qu'au-delà de toute corruption, il n'existe, aujourd'hui, aucun chef en mesure de remplacer Ariel Sharon. Mais la préservation des fondements moraux de la démocratie d'Israël exige qu'il démissionne, pour se présenter devant les électeurs ».
• Par Robert Assaraf


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