Dans la dernière livraison de la revue “El-Djeïch”, organe central de l'armée algérienne, le général Mohamed Lamari a dressé le bilan de ses onze années à la tête de l'armée et évoqué les raisons de son départ. Serait-ce le début d'une ère nouvelle en ce qui concerne les relations, souvent tendues, entre les politiques et les militaires algériens? En tout cas, il semblerait que le départ, somme toute précipité, de Mohamed Lamari annonce un changement dans ces relations. C'est Lamari lui-même qui explique longuement les raisons de son départ. Il insiste d'abord sur le fait que son départ s'est fait à sa demande express et non suite aux divergences entre lui et le président algérien qui est en même temps ministre de la Défense et chef suprême des forces armées. Ce n'étaient que de fortes rumeurs. Des journaux algériens avaient, en effet, indiqué que le général Lamari ne s'entendait plus avec le chef de l'Etat, qu'il avait soutenu son principal rival à l'élection présidentielle du 8 avril dernier, son ancien homme de confiance Ali Benflis, et qu'il avait donc décidé de démissionner dès le 9 avril, après la victoire de M. Bouteflika avec près de 85 % des suffrages au premier tour. Mais si Lamari, dans son message, se veut seul demandeur de son départ, il n'en demeure pas moins que tout au long de cette longue lettre, l'ex-hommee fort de l'institution militaire s'est bien gardé de relever « les raisons de santé », que la présidence de la République avait soulevés dans son communiqué daté du 3 août 2004 pour justifier la démission du chef d'état-major. D'abord il s'attarde sur le long combat mené contre le terrorisme et la subversion, avant d'admettre que ce combat a dû s'accommoder de quelque « sévérité », sans pour autant, «l'honneur» et les «lois de la République» n'en aient été transgressés. Lamari souligne même que ce combat a bien souvent été mené dans un isolement terrible à assumer. Et, bien entendu, le général n'a pas manqué de s'en prendre à ceux qu'il qualifie de «hérauts», en l'occurrence, les islamistes, accusés de tous les maux et surtout de vouloir dénigrer des actions pour « sauver la République et la démocratie ». Il en veut terriblement aux « chantres de cette mouvance criminelle » ainsi qu'à leurs alliés et tous ceux qui avaient un compte à régler avec l'Armée nationale populaire (ANP). L'ex-chef d'état-major a également mis en exergue le processus de modernisation de l'institution militaire, ainsi que l'ensemble des réalisations et actions de coopération que cette institution a accompli durant cette période avec l'aide des armées « des pays frères et étrangers ». Autant dire donc que la décision du général de quitter son poste trouve sa justification dans le fait que sa mission était accomplie, du moment que le bilan dressé dans sa lettre est estimé globalement positif. « Si l'on devait dresser le bilan de la période passée, celui-ci serait globalement positif car la sécurité et l'ordre publics ont été rétablis et l'ANP, après avoir été distraite pendant de longues années par la lutte antiterroriste, a réactivé le processus de sa modernisation et de sa professionnalisation », écrit-il. Malgré cette impression, les observateurs locaux trouvent qu'une lecture entre les lignes démontre que le général ne partage pas la nouvelle orientation du président relative à la réconciliation nationale qui réhabilite des personnes considérées par le général et certains de ses proches (politiques et militaires) comme leurs adversaires directs. Conclusion : le général Mohamed Lamari affirme qu'il n'a pas été limogé mais qu'il a « quitté ses fonctions à sa demande», après avoir établi le constat que la mission qui lui incombait, durant la dernière décennie, a été accomplie. A une nuance près : la présidence algérienne l'avait annoncé démissionnaire pour «raison de santé».