La démission du général de corps d'armée, Mohamed Lamari, conforte la position du président algérien, Abdelaziz Bouteflika, qui étend ainsi son pouvoir à tous les appareils de l'Etat. C'est le début d'un remue-ménage général dans les cercles du pouvoir en Algérie. La démission dans des circonstances mystérieuses du général de corps d'armée, Mohamed Lamari, du poste de chef d'état-major de l'Armée nationale populaire (ANP) et son remplacement par le commandant des forces terrestres, le général-major Salah Ahmed Gaïd, est le début d'un grand changement de la situation politique en Algérie. C'est un communiqué de la présidence de la République algérienne qui confirmait officiellement la nouvelle, mardi dernier. "Le président de la République, chef suprême des armées, ministre de la Défense nationale, Abdelaziz Bouteflika, a reçu le général de corps d'armée Mohamed Lamari, chef d'état-major de l'Armée nationale populaire, qui lui a présenté sa démission pour raisons de santé", disait le communiqué précisant que "cette démission a été acceptée par le président de la République, qui a nommé le général major Salah Ahmed Gaïd, commandant des forces terrestres, en qualité de chef d'état-major de l'ANP". Le communiqué présidentiel confirmait ainsi une information qui défraie la chronique dans la presse algérienne depuis plus de deux semaines. On y lisait notamment que la démission du général avait pour principale cause une mésentente profonde avec le chef de la République algérienne alors que la version officielle évoquait des raisons de santé. La rumeur avait commencé à se forger une certaine crédibilité au lendemain de la visite effectuée par la ministre française de la Défense, Michèle Alliot-Marie à Alger, début juillet dernier. À cette occasion, l'absence du général Lamari lors des entretiens officiels de la ministre française avec les responsables algériens avait été très remarquée. Mme Alliot-Marie avait été reçue uniquement par le ministre de l'Intérieur, Nourredine Yazid Zerhouni, et celui qui vient de succéder au général Lamari, le commandant des forces terrestres, le général Salah Ahmed Gaïd. Interrogé par les journalistes sur l'absence de Mohamed Lamari, le ministre de l'Intérieur avait alors répondu que le chef d'état-major de l'armée était en vacances jusqu'au 22 juillet et que le général major Salah Ahmed Gaïd assurait l'intérim. Pourtant, le général ne réapparaîtra pas au terme de son prétendu congé. Deux semaines plus tard, il est remplacé par un proche du président de la république algérienne, le général major, Salah Ahmed Gaïd. Une succession qui serait tout à fait conforme à la tradition militaire algérienne qui veut que le chef de l'état-major soit remplacé par le commandant des forces terrestres. S'agissant des raisons de cette démission, les observateurs estiment que, depuis les élections présidentielles du 8 avril 2004, les relations entre le président algérien et le chef d'état-major de l'ANP avaient commencé à se détériorer rendant impossible toute coopération entre eux. À l'origine de cette discorde, une déclaration à la presse, la veille des élections, le général Lamari avait affirmé que "l'Armé nationale populaire n'a pas de candidat et n'est contre aucun candidat". Il avait ainsi mis fin à l'idée selon laquelle l'institution militaire algérienne soutenait une réélection de Bouteflika. "La neutralité de l'armée n'aurait en effet pas de sens si elle ne se généralisait pas à toutes les autres institutions de la République afin de ne pas entacher la crédibilité du scrutin", avait-il déclaré lançant ainsi un appel à toute l'administration à faire preuve de neutralité lors des élections présidentielles. Selon les observateurs, le président Bouteflika, qui a été réélu avec 85 % des voix, ne pouvait aucunement pardonner au général Lamari cette sortie médiatique, sachant que son entourage essayait de faire croire que l'armée soutenait sa candidature. Mais, cette intervention de Lamari en pleine campagne électorale n'était pas la seule raison à l'origine de leur désaccord. L'ex-chef de l'état-major algérien, qui a fait de la lutte anti-islamiste, un combat sans répit depuis sa nomination en 1993, a critiqué à maintes reprises la politique dite de "concorde nationale" dont le président Bouteflika a fait son cheval de bataille. "L'intégrisme est intact ", affirmait-il dans un entretien où il a tenu à remettre en question l'efficacité de la politique adoptée par le chef de la République. L'intégrisme "est toujours là" et il continue "à fabriquer des terroristes", avait-il affirmé avant de rajouter : "vous n'avez qu'à regarder la télévision, à écouter certains prêches et à voir le contenu des programmes de l'école". Cette critique s'adressait au président Bouteflika l'accusant indirectement d'avoir favorisé un rapprochement avec les islamistes. La mésintelligence entre les deux hommes menaçait, au cas où elle persisterait, de faire entrer le pays dans une situation aussi dangereuse que celle qui avait conduit à la démission de l'ex-président Chadli Benjedid. L'un des deux devait donc partir et ce fut Lamari. Ainsi, après sa victoire électorale écrasante et le départ du général Lamari, le président de la République algérienne renforce ses pouvoirs en dominant tous les appareils de l'Etat ce qui conforte davantage sa position en tant qu'unique centre de pouvoir en Algérie.