La démission du général de corps d'armée Mohamed Lamari de son poste de chef de l'état-major de l'Armée nationale populaire (ANP), défraie la chronique. Sa succession annoncera la nature du changement tellement attendu. Ce n'est certainement pas la démission en elle même qui suscite l'intérêt des observateurs. C'est plutôt le contexte général dans lequel elle a eu lieu. Serait-ce l'épilogue de la main-mise de l'armée sur le pouvoir en Algérie ? Le début de la fin de l'hégémonie de l'ancienne garde galonnée ? La réponse n'est pas si facile à trouver du moins dans les jours qui viennent. Les analystes locaux estiment que la balle est désormais dans le camp du président Bouteflika qui est en même temps ministre de la Défense nationale et chef suprême des armées. Par conséquent, il dispose de la prérogative constitutionnelle de désigner un successeur à Mohamed Lamari. L'affaire a commencé à faire du bruit suite à l'absence, il y a quelques jours, du chef d'état-major démissionnaire, le général Mohamed Lamari, à la cérémonie de réception de la ministre de la Défense française, Mme Alliot-Marie. Le général Lamari, qui occupait de facto le poste de ministre, a toujours été seul à recevoir ses «homologues» européens ou autres lorsqu'ils sont en visite à Alger, de même qu'il a déjà eu à effectuer de nombreux déplacements à l'étranger dans le même cadre. Son absence ne pouvait en aucun cas passer inaperçue au regard de l'importance et du caractère inédit de cette visite. L'absence en question semble avoir pour raison un coup de colère de celui qui a commandé les forces armées algériennes pendant plus d'une décennie et l'un des hommes forts du régime durant la lutte sans merci contre le terrorisme et le sauvetage de la République du danger « islamiste ». Il semblerait que Lamari n'a pas apprécié le fait que Zerhouni, ministre d'Etat et homme de confiance de Bouteflika, ait été désigné pour recevoir cette visiteuse de marque. Ce même jour, la dépêche de l'agence de presse algérienne faisant état de l'audience accordée par Bouteflika à Alliot-Marie, précise que l'entrevue s'est passée en présence du général-major Gaïd Salah, commandant des forces terrestres, et chef d'état-major par intérim !! Cependant, même s'il se trouve qu'il a la réputation d'être en entente parfaite avec le président Bouteflika, le général major Gaïd Salah n'est, pas forcément le futur titulaire de la haute fonction militaire, estiment certains analystes algériens. D'un autre côté le départ du chef d'état-major, annoncerait à coup sûr celui de plusieurs autres généraux-majors afin de maintenir la cohésion des rangs, mais aussi de permettre à M.Bouteflika de tenir fermement en main cette institution qui, longtemps durant, a fait et défait les présidents en Algérie. Autrement dit, la désignation du futur chef d'état-major devrait drainer l'assentiment des principaux responsables militaires. Il faut rappeler qu'aussi bien le général Khaled Nezzar que le général major Mohamed Lamari, sont passés par le commandement des forces terrestres avant de se voir promus à de plus hautes charges militaires. Dans le même ordre d'idées, Yazid Zerhouni devait être nommé ministre de la Défense en 1999 avant que l'institution militaire n'oppose son veto. D'autres observateurs pensent qu'il y a de fortes chances, que cet ancien des Services spéciaux algériens, homme de confiance de Bouteflika, n'occupe enfin ce poste. Les honneurs qu'il a rendus à Alliot-Marie, en n'étant que ministre de l'Intérieur et chef de la police, font de lui déjà tacitement le patron des forces armées algériennes, écrit la presse locale. Pour d'autres, le général Lamari constitue le principal obstacle d'une éventuelle ouverture sur le Maroc, et par ricochet sur le Maghreb arabe, puisqu'il s'avère intransigeant sur la question du Sahara marocain, comme certains de ses collègues de l'ancienne école depuis le début du conflit en 1975. Il y a aussi la thèse qui préconise que le changement aura effectivement lieu par la pression des européens (France et Espagne) dans le contexte de la liberté et de la démocratie qui souffle sur le monde entier, et qui ne permettra plus jamais à une armée, quelle qu'elle soit, de passer outre les politiques élus par le peuple. En fin de compte, les spéculations continuent de fuser en attendant que soit confirmé la départ du tout puissant général.