Outre par sa puissance, le général Mohamed Lamari était également connu pour les échanges de petites phrases assassines avec Abdelaziz Bouteflika, par presse interposée. Résolument engagé dans la lutte antiterroriste, le général Lamari a fait jouer à l'armée un rôle politique de premier plan. Le désormais ex-chef d'état-major de l'Armée nationale populaire (ANP) algérienne est essentiellement connu pour avoir mené d'une main de fer la lutte contre les groupes armés islamistes et la répression tous azimuts qui n'épargna pas les civils tout au long de la décennie 90. Mais aussi pour avoir été un farouche rival du président Abdelaziz Bouteflika. Avec son départ, la page d'une sale guerre, qui a fait 200.000 morts et de 10.000 à 15 000 disparus, semble sur le point de se tourner. Au fil des années, cet homme cassant avait fini par détenir un pouvoir énorme. Homme clé du régime algérien, i est apparu sur le devant de la scène politique algérienne en 1993, c'est-à-dire au plus fort de la lutte contre les groupes islamistes armés, dans laquelle il a joué, comme le général Khaled Nezzar, un rôle de premier plan. Cet Algérois de 65 ans, issu d'une famille originaire de Biskra, a été formé dans la cavalerie à l'école de guerre de Saumur en France. Il n'a rejoint l'Armée de libération nationale (ALN) qu'en 1961,soit une année avant l'indépendance de son pays. Après avoir initié la création d'une force antiterroriste de 15.000 hommes sous le président Mohamed Boudiaf, il gravit les échelons pour prendre la tête de l'état-major de l'ANP, poste qui fait de lui le véritable chef de l'institution militaire depuis 1993, grâce à une promotion accordée par le président Liamine Zeroual (un autre militaire) qui était, alors, ministre de la Défense. Il était également le seul général de corps d'Armée. Résolument engagé dans la lutte antiterroriste, le général Lamari a fait jouer à l'armée un rôle politique de premier plan, à une période où le rôle des partis était réduit à sa plus simple expression. Mais en même temps, on peut dire qu'il a préparé la transition vers la passation du pouvoir au pouvoir civil et vers le retour progressif de l'ANP dans les casernes. Plusieurs élections pluralistes à tous les niveaux (local, législatif et présidentiel) ont eu lieu depuis 1995 et ont permis, malgré des fraudes considérables, d'asseoir des traditions démocratiques dans le pays, jusqu'à cette fameuse élection présidentielle de 1999 qui a porté au pouvoir un président civil, en l'occurrence Abdelaziz Bouteflika. C'est justement à partir de cette période que les problèmes ont commencé à voir le jour entre le président élu et le chef d'état-major. Le malaise entre le président Bouteflika et le général Lamari n'est pas récent. Les relations entre l'institution présidentielle et une certaine partie du commandement militaire avaient commencé à se détériorer depuis qu'une fameuse source anonyme avait qualifié Bouteflika, dans un journal, de «moins mauvais des candidats», suggérant que l'ANP s'opposerait à toute prétention de sa part à un second mandat. Mieux, la rumeur avait laissé entendre que ce serait le général Lamari en personne qui aurait encouragé Ali Benflis à briguer la magistrature suprême du pays et à tenter de s'opposer à Bouteflika. Durant tout le premier mandat de M. Bouteflika, les deux hommes se livreront à un duel à fleurets mouchetés, s'envoyant des phrases assassines et des fléchettes bien acérées. Le général Lamari lui-même multipliera les sorties et les déclarations, aussi bien à l'étranger qu'en Algérie même. C'est ainsi qu'il donnera une conférence de presse en juillet 2002, entouré des principaux officiers de l'ANP, pour conférer plus de poids à ses déclarations. D'aucuns vont jusqu'à ajouter que le plan aurait échoué parce que, pour la première fois, «les généraux qui comptent» ne sont pas tombés d'accord et auraient refusé de suivre aveuglément le «plan Lamari».