Les militants berbères, qui boycottent les éléctions législatives, s'engagent à faire de la Kabylie une région morte le jour du scrutin. Estimant que les élections législatives algériennes du 30 mai seraient "un jour de la honte", des militants berbères se sont engagés, dimanche, à perturber ce scrutin dans la région de Kabylie, qui connaît de vives tensions. Les dirigeants d'un mouvement à la pointe des manifestations pour les droits des berbères et le développement de la démocratie ont déclaré qu'ils veilleraient à ce que les habitants de la Kabylie restent chez eux le jour du scrutin. "Du moment que ce pouvoir corrompu et répressif n'a pas satisfait nos revendications, toute la Kabylie sera région morte durant tout le jour de la honte", a déclaré à Azazga, en Kabylie, Mohand Hamadouche, membre de ce mouvement, la coordination des villes et archs berbères. "Plusieurs candidats ont été sensibles à nos arguments que ces élections ne serviront qu'un pouvoir qui tue ses enfants au lieu de leur offrir du travail et une vie décente", a-t-il ajouté. Les élections du 30 mai, qui verront le renouvellement des 380 députés du parlement, seront les secondes législatives algériennes depuis celles de janvier 1992, qui avaient été annulées par les autorités alors qu'une formation islamiste était sur le point de les remporter. Le gouvernement algérien estime que le scrutin du 30 mai "Renforcera la stabilité des institutions du pays" après dix années d'insurrection islamiste provoquée par l'annulation des élections de janvier 1992. Plus de 100.000 personnes ont péri dans les violences politiques en Algérie depuis lors. Cependant, les militants berbères et les principales organisations de l'opposition politique qui boycottent le scrutin ne voient pas en quoi une telle stabilité pourrait être renforcée. D'ores et déjà, le front des forces socialistes (FFS) et le rassemblement pour la culture et la démocratie (rcd), les deux principaux partis laïques de l'opposition, qui puisent la majeure partie de leurs soutiens en Kabylie, ont accusé le gouvernement de vouloir truquer les élections. Ces deux parties s'accordent à dire avec les militants berbères que le gouvernement n'a pas fait assez pour apaiser les tensions en Kabylie, foyer d'opposition de longue date au pouvoir central d'Alger. Aucun signe de campagne electorale l'agitation s'est propagée en Kabylie en avril 2001 après qu'un adolescent eut été tué alors qu'il était détenu par les forces de l'ordre. Ce drame avait provoqué pendant trois mois des émeutes anti-gouvernementales dans l'ensemble de la région. Plus de 100 manifestants avaient été tués alors par les forces de sécurité. Les militants de la cause berbère réclament des sanctions contre ceux qui, au sein de la puissante hiérarchie militaire, ont ordonné à la police de tirer contre des manifestants sans armes. Ils exigent également la libération des dizaines de militants arrêtés lors des récentes manifestations anti-gouvernementales. Actuellement, on ne voit aucun signe de campagne électorale à Azazga ou dans les deux grandes villes de Kabylie que sont Tizi-Ouzou et Bejaia. "Nous n'avons pas reçu un seul leader politique jusqu'à ce jour et les affiches des partis sont inexistantes(...)je pense qu'ils ont compris qu'ils sont indésirables en Kabylie", explique Akli Hamdane, commerçant à Tizi-Ouzou. Ces dernières semaines d'ailleurs, des groupes de manifestants berbères ont saisi des urnes électorales dans des bâtiments publics et les ont brûlées.Prié de dire s'il a l'intention de voter, Ahcene Aït Mansour, serveur dans un restaurant de Tizi-Ouzou, répond catégoriquement par la négative : "ça ne va pas la tête? après tout ce qui s'est passé? je ne ferai jamais une chose paareille et je vous assure que vous aurez la même réponse si vous posez la question à tous les gens ici". Pour Tahar, un comptable dans une banque publique, âgé de 36 ans, "le vote n'a plus aucun sens pour tous les algériens depuis l'indépendance parce que le pouvoir a toujours décidé des résultats avant même le jour du vote". Ahmed Arbouche, avocat et tête de liste du front de libération national (fln, ex-parti unique) à Tizi-Ouzou, dépeint la situation en ces termes : "nous n'avons pas organisé un seul meeting électoral depuis le début de la campagne et nos candidats n'osent affronter le public de peur d'être lynchés". "Mais nous nous sommes engagés dans ce scrutin avec conviction et nous ne céderons pas à ce chantage", continue-t-il. • Abdelmalek Touati (Reuters)