En dépit de la situation en Kabylie et de l'opposition farouche de cette région aux élections législatives, le président algérien a installé mercredi une commission de contrôle et de surveillance des élections. Abdelaziz Bouteflika s'est engagé mercredi, à réunir « toutes les conditions nécessaires pour un déroulement régulier et honnête » des prochaines élections législatives, que la Kabylie risque de boycotter. M. Bouteflika, qui s'exprimait lors de l'investiture solennelle de la commission politique nationale de surveillance des élections législatives (CPNSEL), a précisé qu'il avait décidé de mettre sur pied cette commission «en concertation étroite» avec les partis politiques. Pour le chef de l'Etat algérien, les électeurs et les candidats «ont aussi leur part de responsabilité» dans la tenue «d'élections libres et honnêtes puisqu'ils disposent de moyens de contrôle du déroulement du scrutin qu'il leur appartiendra de savoir exercer». Et de souligner que le dispositif institutionnel prévu pour ces élections « est suffisant pour préserver l'inviolabilité des urnes et la sincérité » du scrutin. Les âarchs (tribus kabyles), fer de lance de la contestation depuis le début des émeutes, ont rejeté les élections du 30 mai, affirmant qu'elles s'opposeraient à leur organisation, notamment en fermant les mairies. Ce mouvement contestataire a été suivi par les deux partis implantés en Kabylie, le Front des Forces Socialistes (FFS) de Hocine Aït Ahmed et le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) du docteur Saïd Sadi. Toutefois, les partis de la coalition gouvernementale et les mouvements islamistes, favorables au scrutin, sont en train de désigner leurs candidats, y compris en Kabylie, et s'apprêtent à mener campagne. Pour leur part, les autorités semblent avoir opté pour la fermeté en mettant en marche la machine judiciaire contre des manifestants arrêtés lors des émeutes de ces dernières semaines. Quarante-trois manifestants ont été condamnés lundi à des peines de prison ferme à Béjaïa, capitale de la petite Kabylie (260 km à l'Est d'Alger), Tizi Ouzou et Bouira, la troisième ville de cette région (120 km au Sud-Est d'Alger). Une quarantaine de manifestants, en majorité des jeunes, ont déjà été condamnés à la prison ferme et avec sursis, alors qu'une quarantaine d'autres attendent d'être jugés. Le discours de M. Bouteflika intervient également alors que la Kabylie commémore ce jeudi un an de contestation ponctuée d'émeutes et se prépare à boycotter les législatives. Les Kabyles vont rendre hommage aux victimes de ces émeutes, à l'occasion de l'anniversaire de la mort de la première victime, le lycéen Massinissa Guermah, tué le 18 avril 2001 d'une rafale de Kalachnikov dans la gendarmerie de Beni Douala, près de Tizi Ouzou, dans la grande Kabylie, à 110 km à l'Est d'Alger. La mort de ce lycéen, coïncidant avec l'anniversaire du «printemps berbère » du 20 avril 1980, lorsque les autorités avaient réprimé des manifestations en faveur de Tamazight, la langue berbère, avait mis le feu aux poudres. Les émeutes du « printemps noir » 2001 se sont étendues pendant plusieurs semaines à toute la Kabylie, faisant une soixantaine de morts et plus de 2.000 blessés, selon un bilan officiel. Demeurées sporadiques depuis, les émeutes ont connu des flambées, comme en mars dernier, où sept manifestants ont été tués et plus d'une centaine blessés, malgré l'annonce, le 12 mars, par Abdelaziz Bouteflika, de la reconnaissance de tamazight comme « langue nationale ». Les Kabyles souhaitent qu'elle soit aussi officielle, à l'instar de l'arabe. Dans une déclaration publiée mardi, le chef du plus ancien parti d'opposition en Algérie, le FFS, Hocine Aït Ahmed et l'ancien ministre Ahmed Taleb-Ibrahimi, ont demandé aux algériens de «rejeter la prochaine mascarade électorale et exiger un changement radical du régime».