Colonnel de la gendarmerie royale qui a pris sa retraite anticipée il y a quelques années, Ahmed Zarouf, aujourd'hui député du Mouvement Populaire à taounate, commente du haut de son expérience militaire les tenants et aboutissants de l'affaire Issou. ALM : Que pensez-vous des révélations d'Abdelilah Issou, qui avoue avoir travaillé entre 1997 et 2001, pour le compte des services secrets espagnols ? Ahmed Zarouf : C'est un geste inamical de la part des services secrets espagnols. Sincèrement, ils ont employé des techniques que les Etats utilisent habituellement à l'égard des pays considérés comme des ennemis. Pensez-vous qu'Issou a divulgué des informations sensibles? En fait, il faut distinguer entre un véritable espion et un agent de renseignements. A mon avis, Ichou n'était qu'un simple agent de renseignements. Un lieutenant n'est pas détenteur de renseignements sensibles et de dossiers importants. Ce n'est pas un chef de service ou un chef de bataillon. Vous savez que plusieurs officiers marocains sont des lauréats de l'Académie militaire de Tolède. Si j'étais un officier des services secrets espagnols, j'essaierais de manipuler ces militaires-là et non pas Issou. Le traitement de M. Issou par les Espagnols (1997-2001) intervient sous la période Aznar. Qu'en pensez-vous ? Vous savez, le domaine du renseignement n'est pas totalement maîtrisé par le gouvernement. C'est vrai en Espagne et dans beaucoup d'autres pays. Les services de renseignements jouissent d'une relative autonomie. D'ailleurs, les responsables de ces services sont toujours en poste. A mon avis, Issou n'était qu'une simple taupe. Ces manipulateurs voulaient l'utiliser dans une dizaine d'années, le jour où il sera un officier supérieur occupant, peut-être, un poste de responsabilité. C'est un type d'investissement. Issou a parlé dans l'interview qu'il a accordé à un magazine espagnol que son officier-traitant lui a demandée des informations sur l'OBT. Qu'en est-il, exactement? En matière de communication militaire, il y a l'Ordre de base de transmission (OBT) et l'Ordre complémentaire de transmission (OCP). Comme son nom l'indique, le premier est basique, il n'est valable que trois mois, alors que l'OCP a une période beaucoup plus longue. Sans rentrer dans les détails techniques, je ne pense pas que le lieutenant Issou pouvait détenir ces éléments-là. En fait, c'est l'officier de transmission qui a ce type d'information. Quel intérêt les services secrets espagnols ont-ils à chercher à décrypter les communications militaires marocaines ? Comme vous le savez, l'Espagne est un membre de l'OTAN. Aujourd'hui, les moyens informatiques permettent de décrypter n'importe quel message codé en un temps record. Pour l'OTAN, cette technologie est un jeu d'enfants. Les services secrets pouvaient aisément se diriger vers l'OTAN plutôt que vers Issou. En d'autres termes, je pense que le lieutenant déserteur Issou a été manipulé par un officier subalterne dans la hiérarchie des services secrets espagnols. Comment les services secrets marocains devraient réagir, à votre avis, après les aveux d'Issou? Des histoires comme cela se terminent souvent en queue de poisson. Des excuses officielles seront certainement formulées par les services et la diplomatie espagnols, qui feront porter le chapeau à un de leurs officiers qu'ils qualifieront peut-être de frivole. Quant aux services marocains, ils devraient s'assurer qu'il n'y a pas de ramification. J'entends par cela qu'ils doivent être sûrs qu'il n'y a pas un autre Issou qui court dans la nature. Et également que l'officier-traitant d'Issou a agi isolément. C'est-à-dire que l'ordre n'a pas été donné à un niveau élevé de la chaîne de commandement au niveau des services espagnols.