Pour Ahmed Zarouf, ancien colonel de la Gendarmerie royale, actuellement député du Mouvement Populaire, les interventions des forces de sécurité dans des opérations comme celle de Béni-Mellal sont souvent minées par des ambitions personnelles qui, non seulement réduisent leur efficacité, mais se traduisent également en des morts et des blessures évitables. ALM : A chaque fois que les forces de l'ordre interviennent lors d'une opération comme celle de Béni-Mellal, le résultat est toujours le même : des victimes côté services de sécurité. A quoi est dû ce constat à votre avis ? Ahmed Zarouf : A mon avis, le problème n'est pas celui du professionnalisme des forces marocaines de sécurité. Loin de là. Le problème est à trouver plus dans la précipitation qui marque la plupart de ces opérations. Que de telles interventions ne soldent pas par des victimes, c'est l'idéal. Mais d'aucuns savent que ces opérations ne sont pas exemptes d'une part de risque. Il existe aussi l'handicap de la distance séparant le lieu de déroulement de ces opérations des forces spécialisées, qui sont toutes concentrées au niveau de Rabat. Ce qu'il y a, c'est que nous assistons actuellement à une véritable course au trophée entre les différents services de sécurité. Chacun essaye de s'adjuger la «gloire» d'avoir mené à bien une opération donnée. Une rivalité aussi personnelle que sournoise et qui explique en grande partie l'esprit de précipitation qui règne lors de ces interventions. Ce sont donc les ambitions personnelles de certains qui sont à pointer du doigt ? Les ambitions personnelles constituent un facteur d'émulation, pour ne pas dire de concurrence entre responsables. Ceci, alors que ce genre d'intervention devrait être coiffé par la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) en principe. Le problème de respect des textes est également posé dans ce sens. Pourquoi ne pas envisager, pour plus d'efficacité, des brigades spécialisées délocalisées, surtout que la nébuleuse terroriste n'a pas de terrain défini où elle agit ou se cache ? La délocalisation de ces forces suppose des charges supplémentaires, sans garantie de rentabilité. D'autant que l'on ne peut pas mettre en place des structures permanentes pour des opérations sporadiques. Ce problème est de surcroît comblé par la rapide mobilité des forces spécialisées, prêtes à intervenir à n'importe quel moment et à n'importe quel lieu et qui sont équipées et formées à cette fin. Autant il existe une parfaite coordination au niveau du sommet, autant la base est minée par ce besoin de réussite personnelle chez les régionaux. Un besoin dû soit à un excès d'héroïsme soit, et surtout, à des soucis bassement matériels. Quelles sont donc les mesures à adopter à votre avis pour éviter que de tels scénarios ne se répètent ? A mon avis, quand on a localisé un groupe criminel, les forces locales devraient se contenter d'encercler la zone en installant un polygone de sécurité autour du lieu repéré et attendre l'arrivée des forces spécialisées, équipées aussi bien des moyens de transport, allant jusqu'aux hélicoptères, qui permettent d'atteindre les régions les plus éloignées en quelques heures; que des équipements à même de leur assurer un maximum de sécurité. Il vaut mieux attendre un peu que les spécialistes en la matière arrivent que d'aboutir à des résultats non pas d'échec mais de demi-victoires, où des victimes sont enregistrées d'une part comme de l'autre. Parce qu'il ne faut pas oublier qu'un terroriste mort est une source d'information que l'on enterre. Le tuer revient à ne pas donner suite à l'affaire. Et même quand un adversaire est armé ou prêt à tout pour s'échapper, il y a toujours un moyen de le neutraliser. Il existe des équipements pour cela, à l'image de balles paralysantes, ainsi que des techniques appropriées à utiliser. Je citerai dans ce sens l'exemple du kurde Ojalan. Il n'y a pas plus terroriste que cette personne. Pourtant, les forces de sécurité turques sont arrivées sans coup férir à le mettre hors d'état de nuire et à le capturer. On a qu'à prendre de la graine de ce qui se passe ailleurs.