Considéré comme la «principale force d'opposition» au Maroc, le mouvement Al Adl Wal Ihsane entamera dans les prochains jours sa quatrième année sans son fondateur, Abdeslam Yassine. Mais comment la Jamaâ s'est elle adaptée à la disparition de sa figure tutélaire ? Deux chercheurs tentent d'apporter des éléments de réponse. Al Adl Wal Ihsane (AWI) se prépare à commémorer le troisième anniversaire du décès de son fondateur, Abdeslam Yassine. A cette occasion, le mouvement organisera samedi à Rabat une conférence sur le thème «les changements régionaux : rôles de l'élite et des peuples». Pour faire un état des lieux des transformations qu'a connues AWI durant ces trois années, Yabiladi a demandé l'avis de deux spécialistes des mouvements islamistes. «De toute évidence, la mort de Yassine survenue le 13 décembre 2012 a laissé un grand vide. Son successeur n'a pu remplacer ni le charisme du cheikh ni sa centralité dans le système organisationnel de la Jamaâ», constate d'emblée Driss El Ganbouri, chercheur spécialisé en mouvements islamistes. «Pendant des années, AWI vivait à l'ombre de Yassine. Après le décès de son fondateur nous avons observé une certaine confusion. En témoigne l'apparition de plusieurs centres de décision ainsi que la liberté de parole dont bénéficient certains hauts cadres». «La contrainte de la réserve ou du silence imposée auparavant a presque disparu» au sein du mouvement, ajoute l'expert. Pour étayer ses propos, il cite «le cas des positions de Chibani hostiles au gouvernement Benkirane alors que le Cercle politique et les autres instances d'Al Adl Wal Ihsane ont préféré ménager les islamistes du PJD pour concentrer leurs critiques sur l'Etat ou le Makhzen». «Des signes de dialogue avec le pouvoir» Mais qu'en est-il du «dialogue» entre ce «Makhzen» et la nouvelle direction d'AWI ? Nous avons posé la question à Montassir Hamada, auteur du livre «Salafia al-Wahabiya au Maroc». Le spécialiste en mouvements islamistes évite de qualifier les «discussions» entre la Jamaâ et l'Etat de «véritable dialogue» mais reconnait que «les deux parties communiquent». Il prend pour preuve de ce début de normalisation «les nominations récentes de deux Adlistes membres du Cercle politique aux postes d'enseignants universitaires à Marrakech et Casablanca». «Sans l'aval des autorités compétentes, de telles désignations n'auraient jamais eu lieu», explique-t-il. Hamada assure qu'Al Adl Wal Ihsane reste «une importante force politique. Une force mobilisatrice des masses. Nous l'avons constaté ces dernières semaines à l'occasion des marches contre AMENDIS à Tanger et lors des manifestations des étudiants en médecine».