Je n'ai pas été trop dérangé par l'inhumation du chef du Polisario Mohamed Abdelaziz à Bir Lahlou, dans la zone tampon entre le Maroc et l'Algérie… Finalement, cet homme était Marocain et il est de son droit d'être enterré dans sa terre, même si c'est dans une zone de séparation, même si le linceul est algérien et même si les personnes présentes à ses funérailles étaient des milices militaires… Ce qui dérange, néanmoins, ce sont les propos de responsables algériens accusant le Maroc, en complicité avec la France, de comploter pour mettre en péril la stabilité algérienne et diviser le pays. Ce qui dérange également sont ces propos du ministre algérien des Affaires étrangères Ramtane Lamramra, affirmant que le décès d'Abdelaziz doit être une incitation au peuple sahraoui de poursuivre son combat pour l'indépendance, jusqu'à la victoire. Quelle victoire pourrait donc remporter le successeur de Mohamed Abdelaziz, après que ce dernier de son vivant, n'eût rien réussi d'autre durant 40 ans que retarder la marche du Maghreb arabe, faire perdre 5,1% de croissance aux 5 pays de cette région, engloutir des milliards de dollars en armements divers, affaiblir aussi bien Rabat qu'Alger sur la scène internationale, et prolonger indéfiniment les souffrances des Sahraouis dans les camps de Tindouf ? C'est une curieuse coïncidence qui fait que deux noms sahraouis se soient rencontré et retrouvé dans nos médias la même journée : Mohamed Abdelaziz qui a vendu son âme et ses armes à Alger, qui a troqué sa cause à la troupe algérienne en échange d'une république fantôme, et Mohamed Bahi qui avait refusé une offre similaire du président algérien disparu Houari Boumediene le jour où ce dernier lui avait offert la présidence d'une république au Sahara. Mohamed Bahi avait alors répondu au colonel dans une lettre rédigée depuis Paris : « Ne faites pas de Lénine un employé de Franco, et agissez comme vous voulez, nous, nous ne bougerons pas ». Bahi, qui a donc rejeté l'offre algérienne présentée sur un plateau d'argent, n'était pas spécialement un partisan de Hassan II, pas plus qu'il n'était attiré par le système de pouvoir de l'ancien roi. Il ne bénéficiait d'aucune faveur de Rabat et on peut même dire que son opposition à la monarchie était bien plus forte que celle d'Abdelaziz. Mais l'opposant savait faire la différence entre la confrontation avec le roi et la loyauté envers son pays, entre le fait de laver son linge sale en famille et comploter avec une puissance étrangère contre sa patrie. Mohamed Bahi avait lancé à la figure des Sahraouis séparatistes : « Le Sahara n'est pas source de tensions, mais une source de richesse, alors ne tombez pas dans ce piège qui vous est tendu ». Que l'on regarde les funérailles de l'ennemi n°1 du royaume sur la chaîne de Laâyoune, sans être commentées avec des termes guerriers et des clichés des années 70 et 80, est une preuve que la l'esprit marocain a finalement appris et compris la leçon : les Sahraouis sont des enfants de cette terre, même ceux qui se sont égarés… les droits des Sahraouis à s'autogérer sous la souveraineté marocaine sont garantis… et la patrie est clémente et miséricordieuse. En face, à Tindouf, nous n'avons rien entendu d'autre que les tambours de la guerre, que les déclarations incendiaires qui n'ont d'autre but que de nourrir la propagande algérienne contre le Maroc, pour des motifs strictement internes. Mais Ramtane Lamramra est un diplomate chevronné, et il sait fort bien que personne ne sortira vainqueur de cette impasse historique, ni le Maroc, ni l'Algérie ni le Polisario. Une anecdote raconte qu'un homme était entré dans un café qui projetait un clasico espagnol entre le Real Madrid et le Barça. Il avait avisé un homme qui semblait peu intéressé par le spectacle et lui avait demandé qui serait le gagnant à son avis, et l'autre de lui répondre : « Le gérant du café ». Les gérants sont, aujourd'hui, dans l'affaire qui nous importe, la France et les Etats-Unis, en plus de tous les autres pays qui souhaitent voir ce conflit se prolonger et ses protagonistes affaiblis, afin qu'eux préservent leurs intérêts et maintiennent leurs plans… C'est cela, la victoire que n'évoque pas le chef de la diplomatie de notre voisin, autant éloigné de nous que de la logique du siècle.