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Parc national d'Al-Hoceima: Badis site historique et naturel emblématique de la région du Rif
Publié dans L'opinion le 01 - 05 - 2016

L'idée de visiter le Parc National d'Al-Hoceima (PNAH) pour découvrir des sites historiques mythiques comme celui de la ville médiévale de Bades (Badis), ne doit pas manquer d'attraits. Avec au surplus un territoire dominé par de magnifiques plages de la Méditerranée. Seulement il faut avoir la patience de parcourir des dizaines de kms de pistes et de sentiers. Le réseau d'associations s'activant au sein du Parc (RODPAL) s'est chargé de préparer une signalétique pour permettre de circuler sans risque de se perdre dans ce labyrinthe avec des pistes et des sentiers qui donnent un avant-goût de la grande région du pré-Rif. Comme nous le rappelle Hakim Messaoudi, président de la coordination de la société civile dans la baie d'Al Hoceima, plusieurs activités sont en cours de lancement et ceci dans le cadre du projet Développement Intégré des territoires Ruraux du Nord (DRIN) piloté par l'Agence pour la Promotion et le Développement du Nord (APDN). Pour le réseau RODPAL il a déjà réalisé le balisage et la signalisation de plus de 50 Kilomètres des sentiers pédestres pour les activités de randonnées, alors qu'une étude de la fréquentation touristique du Parc et l'équipement d'un centre d'information et d'éducation relatif à l'environnement sont toujours en cours d'exécution.
Dans le cadre du même projet DRIN, d'autres activités sont déjà lancés à savoir la réalisation d'une étude sur les aspects naturels et socio-économiques au sein du parc, élaboration des supports promotionnels du parc, le lancement d'un appel à projet pour les ONG dont plus d'une dizaine de projets ont été retenus. Dans le cadre du grand projet d'avenir de régionalisation le PNAH représente un atout loin d'être négligeable.
On estime qu'il faut au moins quatre jours de randonnées à pied pour faire le tour du PNAH à travers les sentiers et sites naturels et historiques. Quant aux plus pressés une journée pourrait suffire pour explorer sommairement, par des pistes carrossables, une partie du parc et s'en former une idée. Le propre du PNAH c'est d'offrir, en plus des paysages montagneux et marins, avec des plages Tala Youssef, Boussekour, Tkit, Cala Iris, la possibilité de découvrir les vestiges historiques d'une région qui fut toujours aux avant-postes de la résistance constante contre les attaques des Ibériques, à partir du quatorzième siècle et qui avait été, bien avant cette époque une plateforme des échanges commerciaux du sud du Maroc (Marrakech et Fès) avec l'Andalousie.
Comme on peut lire dans le guide réalisé par Rodpal, le Parc National d'Al-Hoceima correspond au massif de la tribu de Bokkoya culminant à plus de 750 mètres. S'étendant sur une superficie de 48.460 hectares dont 19.000 ha en mer, il abrite de nos jours environ 15.000 habitants répartis sur 37 douars. Le Parc a été créé par le décret d'aménagement et de gestion du 8 octobre 2004, afin de conserver et de valoriser « un écosystème unique parmi les mieux conservés de la côte nord du Maroc » lit-on dans le guide du parc. Il est aussi classé comme « aire spécialement protégée d'intérêt méditerranéen dans le cadre de la Convention de Barcelone ». Sa conservation et son développement sont du ressort du Haut Commissariat aux Eaux et Forêts.
L'essor de l'écotourisme est de nature à valoriser ce territoire dont les habitants luttent pour la survie du fait, notamment, du manque d'eau et de l'enclavement. Vivant chichement de l'agriculture avec une pluviométrie faible, ils s'adonnent à des activités d'élevage, de pêche et de l'artisanat. Ce dernier tombe malheureusement en désuétude, du moins pour certains de ses aspects comme la poterie féminine du village Tighza, pourtant témoin original d'une activité millénaire, « mais qui n'est guère valorisée aujourd'hui » comme le soulignent des acteurs associatifs intéressés par les produits bio et du terroir. Le labeur à fournir par les femmes pour puiser l'eau rare et collecter la matière première, l'argile, a fini par presque sonner le glas pour une activité, tout compte fait ingrate axée sur la fabrication d'outils fonctionnels dotés d'une beauté typique très représentative de la région.
Anouar Akkouh, jeune entrepreneur, est acteur associatif membre du réseau Rodpal. Ayant travaillé à l'étranger, il est revenu s'établir à Al-Hoceima, sa ville natale, pour lancer des projets dans le domaine de l'écotourisme au sein du Parc. Parcours à rebours de ce qui se fait habituellement, puisque les jeunes de la région la fuient, à la moindre opportunité, pour aller s'établir à l'étranger ou dans les grandes villes comme Tanger et Casablanca. Un grand nombre de Marocains du monde sont issus de la région et y reviennent humer l'odeur du pays, juste pour les vacances d'été. L'économie de la région en grande partie s'anime annuellement grâce aux retours massifs des originaires du pays. Dans la perspective de développement de l'écotourisme, Anouar et des amis de la région du parc, viennent de mettre sur pied une coopérative : « Coopérative Méditerranéenne du Tourisme ».
« C'est pour promouvoir le tourisme rural à travers l'artisanat, la gastronomie, les produits du terroir » précise Anouar. Plusieurs projets en vue dont la construction d'un gîte pilote avec des matériaux traditionnels, pierres et pisé. L'objectif est de faire de l'écotourisme une locomotive pour le développement au sein du Parc, soutient Anouar. Cela ne va pas sans difficultés et obstacles. En effet, parmi les problèmes bien concrets, rencontrés pour l'activité touristique, il y a la question du transport.
« Il n'y a pas, jusqu'à aujourd'hui, de société de transport touristique à Al-Hoceima, aucun entrepreneur n'ose se lancer dans un tel investissement du fait qu'il n'y a pas une activité de visites régulières toute l'année, et c'est aussi vrai qu'il n'y a pas d'activité justement faute de l'existence d'une structure de transport ! On est dans un cercle vicieux. Il faudrait normalement des aides, des facilités pour permettre l'éclosion d'une telle activité ».
Toponymie et mémoire
Pour entamer une visite succincte du Parc, on peut s'engager dans la piste qui mène vers Taoussarte. C'est pour visiter des artisans qui fabriquent des articles à base de plantes, en particulier les feuilles du palmier nain, alfa « doum ». Ce sont des hameaux dispersés sur des hautes collines avec la falaise qui surplombe la mer Méditerranée. Le nom de la tribu Iboqqoyen, régnant sur le territoire du Parc, signifie « les gens de la colline ». Il s'agit d'une population qui avait toujours vécu à proximité de la mer et s'y connaissait en navigation et en pêche. Dans leurs rangs de fameux corsaires qui donnèrent du fil à retordre aux Ibériques jusqu'au XIXème siècle. Les guerres de conquête des côtes marocaines menées par les Espagnols et les Portugais ont eu du reste pour prétexte « l'activité de piraterie » et visaient la sécurisation des routes du commerce maritime.
Taoussarte veut dire en tarifit « vieille dame ». La toponymie des sites renvoie souvent à des temps reculés, antéislamiques. Taoussarte voudrait dire vénérable dame et peut-être que cela revoie-t-il à une femme gouverneur ou détenant un quelconque pouvoir au sein de son groupe ethnique, suggère Anouar.
Près de quelques figuiers de Barbarie des artisans ont l'habitude de s'asseoir sur des éclats de rochers, un endroit constamment fouetté par un salubre vent marin.
« Ici ils ont de l'air pur, à croire qu'ils ne tomberont jamais malades ! ».
Leur regard est en contemplation d'un panorama de la Méditerranée bleue turquoise. On peut rejoindre ce qu'on appelle communément des « plages sauvages », plusieurs centaines de mètres en bas, en parcourant des sentiers en pente plus ou moins raides. Pour le visiteur c'est le vertige, tout autant à cause de la vision du précipice du gouffre marin, que de la beauté du paysage à perte de vue. Les artisans travaillent fébrilement de leurs mains expertes en sirotant des verres de thé à la menthe. Ils produisent des paniers, plateaux, chapeaux etc.
« Ici les gens peuvent rester des mois sans aller vers Al-Hoceima parce que le transport revient trop cher, ils vivent en une sorte d'autarcie, en cas d'urgence sanitaire ou autre ils ne peuvent compter que sur leurs moyens propres comme c'était il y a cent ans...».
Ce dimanche il n'y avait sur place qu'un seul artisan âgé d'une trentaine d'années.
« Les autres sont partis au souk du dimanche, Hadd Rouadi, pour vendre leurs articles », indique l'artisan en tarifit.
Après Taoussarte on rebrousse chemin pour rejoindre le village Rouadi où se tient chaque dimanche le plus important souk hebdomadaire du Parc National, à trente kms au sud-ouest d'Al Hoceima. Là se trouve le siège de la commune Rouadi et le complexe d'artisanat où les artisans de la région, à travers leurs coopératives, exposent à la vente leurs productions vestimentaires, textiles broderie, poterie et articles à base de plante etc. Le marché hebdomadaire Rouadi constitue une attraction intéressante qui reflète diverses activités d'artisans et produits agricoles du terroir. Des gargotes offrent des plats de bissar (soupe aux fèves) avec l'huile d'olive et des grillades de sardines.
Après un tour au souk, on laisse la route goudronnée pour s'engager à nouveau sur la piste à l'intérieur du Parc, direction Badis à 45 kms à l'ouest d'al-Hoceima. On passe d'abord par le Centre d'information et d'éducation pour l'environnement du réseau RODPAL. C'est une bâtisse en pleine forêt. Des visites d'élèves des établissements scolaires de la région, de la ville d'Al-Hoceima et même d'autres villes comme Tétouan, y sont organisées avec une exposition permanente sur les richesses du Parc : faune, flore, forêt, sites historiques.
« Au cours de ces visites des explications sont données aux écoliers et collégiens sur l'environnement, l'histoire et la vie des habitants de la région et souvent la visite se termine par l'exploration de la région de Bades et sa baie » explique Hakim Masseoudi enseignant passionné d'ornithologie et l'un des principaux initiateurs de ce projet.
En suivant la piste bordée de forêt de thuyas de Berbérie, oléastres, palmiers nains et caroubiers, on rencontre des paysages de montagnes avec des grottes utilisées par les bergers pour s'abriter avec leurs troupeaux de chèvres en temps de pluie et de canicule. Ces grottes, dites de la vallée de Bades, auraient été utilisées comme refuge par les résistants à l'époque de la guerre du Rif et par la suite comme habitat de fortune pour les ouvriers des mines de plomb. Un berger, d'une cinquantaine d'années, rencontré dans les parages, dit les utiliser régulièrement pour garder son troupeau pour la nuit.
« Je laisse les chèvres dans la grotte le soir venu et je m'en vais. Ici il n'y a rien à craindre. Je reviens les reprendre le matin ! ».
Il portait dans ses bras deux chevreaux de même portée qui venaient de naitre il y a quelques minutes.
Erosion suite aux dégâts
de la cédraie
On poursuit la route et on finit par déboucher sur l'un des sites les plus emblématiques du parc. Il s'agit de la rade de Badis « ancien port de Fès » (Léon L'Africain) à l'époque médiévale avec son rocher presqu'île, dite le Pénon de Vélèz de la Gomera par les Ibériques. Ce site célèbre avait fait l'objet de tant de batailles légendaires dans le passé entre Marocains et Ibériques mais aussi Ottomans. Jusqu'au début du XXème siècle c'était une île éloignée de la rade par un bras de mer.
« C'est à cause de l'érosion des sols du fait de l'arrachage abusif des forêts par les Espagnols au cours du Protectorat (1912-1956) que l'île a fini par se rapprocher de la côte. Les gros dégâts naturels ont entrainé un énorme dépôt de sédiments charriés par les eaux de pluie...» explique Hakim Masseoudi. D'après des chiffres officiels des archives espagnoles, en 1936 l'exploitation du bois de forêt du Rif pour l'exportation en Espagne a été 452 m3 et en 1953 cela allait atteindre annuellement le chiffre de 35.395.963 m3 de bois, toutes essences confondues dont 18.164.468 m3 rien que pour le cèdre ! Celui-ci fit l'objet d'un pillage systématique. (Chiffres extraits d'une étude réalisée par Hakim Masseoudi citant des données statistiques officielles espagnoles). L'ancienne route Tétouan-Al-Hoceima était justement appelée la « route du cèdre », comme pour souligner l'ampleur de la décimation de la cédraie.
Dans la mémoire populaire cette histoire de décimation des forêts dans la région du Rif pendant le Protectorat, par les Espagnols était très prégnante, surtout chez les vieux qui se souvenaient de cette période. Ainsi ce vénérable ancien ouvrier, immigré en France, âgé de près de plus de quatre-vingts ans, revenu s'établir, chez lui, à Imzouren et qui ne cessait de répéter :
« Les Espagnols ne construisaient rien pendant le Protectorat au Nord du Maroc, ils se contentaient surtout de piller les arbres qu'ils emportaient chez eux. C'était vraiment des chargements énormes chaque jour... »
Une corde pour frontière !
Le rocher de Badis est toujours occupé jusqu'à aujourd'hui par les Espagnols, comme les présides de Melila et Sebta, sans oublier l'île de Nekor. Une corde bleue, étendue sur le sable au pied du rocher, fait l'objet de dérision des visiteurs de passage car elle est sensée délimiter la frontière entre le territoire marocain et le territoire espagnol !
« Avant, les Espagnols n'avaient que le rocher et n'en descendaient guère ; maintenant ils ont conquis du terrain au pied du rocher, quelques mètres carrés de sable et ont placé un filet pour jouer du volley-ball ! C'est le « masmar Jha » des Espagnols ! », commente ironiquement un client dans un café où l'on sert du très bon thé à la menthe dans de grands verres à 4 dirhams. Souvent on relève cette même expression ironique pour souligner l'anachronisme d'une situation qui perdure.
Les militaires espagnols continuent de surveiller du haut du rocher le site de l'ancienne ville Badis dont les vestiges dorment quelques mètres sous l'actuel petit douar de même nom sur la rive droite de la vallée. Il faut rappeler que cette situation dure depuis la grande bataille de 1564 quand les Espagnols aidés par plusieurs nations européennes avaient colonisé le rocher. Le prétexte était que Badis était le point de départ d'actions de course qui écumaient la rive nord de la péninsule ibérique. Un poste de la Marine Royale veille aussi sur la rive gauche de la vallée à quelques encablures du mausolée d'Abou Yaacoub al-Badissi (1245-1334) savant, soufi et résistant jouissant jusqu'à ce jour d'une grande vénération populaire et considéré par Ibn Khaldoun comme « le plus grand et le dernier saint au Maroc » (Voir Guide du Parc).
Ici on est à l'embouchure de l'oued Kerker qui se jette dans la rade. En dehors de la saison des pluies où il se transforme en torrent fougueux, il reste à sec. Bien qu'on soit au nord du Maroc, ici il ne pleut pas beaucoup. A cause de la proximité de la mer, le climat est doux et tempéré en été comme en hiver. Les paysages avec la rade, port naturel, sont époustouflants de beauté. La seule activité importante c'est la pêche d'où la présence de plusieurs barques couleur verte.
L'ancienne cité Badis se trouverait, dit-on, sur « l'itinéraire d'Antonin », le guide qui recense les villes-étapes de l'Empire romain. Elle faisait probablement partie du Royaume de Nekor, fin du VIIè début du VIIIème siècle. Elle était dotée d'une grande mosquée, d'une kasbah, de souks, de quartiers d'habitats, d'ouvrages hydrauliques (norias) sur l'oued, d'un chantier naval pour la construction de navires et surtout un rempart construit par l'Almohade Al Nasir en 1202. On voit encore les derniers vestiges de cette muraille sur la montagne. Du fait de l'absence de restauration ce rempart n'a cessé de s'effriter jusqu'à ne laisser aujourd'hui que quelques tristes moignons. Le grand géographe Charif Idrissi a décrit Badis pendant la première moitié du XIIème siècle comme une ville de pleine civilisation urbaine raffinée avec des souks animés et des activités industrielles évoluées.
Edifiée en 709, c'était la deuxième cité islamique après celle de Nekor qui vit le jour en 699. Jusqu'à la prise de l'île par les Espagnol en 1564, la ville de Badis jouissait d'une situation de carrefour du commerce. Des navires venus du sud de la France et de l'Italie, Gênes, Venise participaient à un échange florissant de commerce avec Fès via ce port. Sous les Mérinides la ville abritait un chantier naval où l'on construisait des fustes et de galères (Ghurab et Tarida) et un camp d'entrainement des Combattants de la Mer (Ghuzat al Bahr). Entre le XIIè et XIVème siècles Badis fut un port dynamique avec des liaisons régulières avec Malaga, Grenade et Almunecar. L'occupation espagnole de l'île de Badis, à partir de 1564, a sonné le glas aux échanges commerciaux qui s'effectuaient à partir de la cité avec le monde extérieur. Les habitants se seraient réfugiés dans des villages, à l'intérieur des terres, comme le village médiéval Adouz, pour éviter les agressions des Ibériques qui faisaient des incursions à l'intérieur des terres pour faire des captifs parmi la population et les réduire en esclavage.
Ce village Adouz « l'un des plus ancien du Rif » avait « conservé son architecture traditionnelle typique rifaine avec des maisons faite de pierres de taille et de torchis et disposées les unes à côté des autres sous forme de petits quartiers séparés par des rues ». Entre les XVIIè et XIXème siècle ce même village a constitué un refuge pour les corsaires qui s'attaquaient aux bateaux espagnols, portugais et anglais qui passaient à proximité de la côte. Le village abrite aujourd'hui des vestiges dont une ancienne mosquée construite à l'époque mérinide.
Autre village médiéval, le village Mastassa avec sa mosquée ancienne d'architecture andalou-mauresque de l'époque mérinide datant du XIVème siècle. Le monument porte encore, bien conservées, les traces de la finesse et du savoir-faire des artisans marocains pour un édifice de mosquée de modèle réduit avec des plafonds en bois peint et des toits en tuiles de terre cuite.
Dans le rang des monuments de défense il y a la Kasbah Snada situé non loin des principales sources de l'oued Badis et à 18 kms du site de Badis en suivant l'oued. Elle est d'origine saadienne et fut un fort ismaélien conçu pour contrer les incursions des Ibériques.
Culte de résistants
On observe sur le site de Badis et en général sur le territoire du Parc national, la présence de nombreux sanctuaires, des mausolées comme celui déjà cité du grand savant Abou Yaacoub Al-Badissi ou encore Abou Ali Hassoun fondateur de la zaouia Hassouniya au douzième siècle. Deux ouvrages hagiographiques « Al Maqsad al-Sahrif Fi Zikr Sulaha' al-Rif » de Abdelhaq al-badissi et « Al Wassila Ila al-Marghoub » du Cadi al-Arwabi font état de savants et hommes pieux qui avaient vécu entre le XII et XIVème siècles dans la cité de Badis et sa région. La relative multiplication des sanctuaires s'explique par la vénération des hommes et femmes pieux mais aussi et surtout des martyrs patriotes résistants qui avaient combattu pour défendre le territoire et repousser l'envahisseur venus du littoral proche. Dans le lot il existe aussi des mausolées dédiés à des femmes vénérées par la population comme Lalla Mrika, Lalla Mimouna ou encore Lalla Tikit une femme soldat résistante célèbre dans l'armée des Bokkoya.
Le plus important à retenir reste le fait que malgré son importance, le site de Badis comme les autres mentionnés, n'a jamais été classé à ce jour comme site historique et donc ne faisait l'objet d'aucune protection. Il en été de même jusqu'à récemment des autres sites majeurs comme celui de la ville de Nekor, d'Al-Mazemma etc. Sur le sommet de la montagne qui surplombe la baie de Badis, il y a les vestiges du grand moulin à vent « Rha d'rih » qui date de l'époque almohade. La protection, la conservation et l'encouragement de la recherche historique sont de nature à augmenter l'attrait de la région ; sans compter que ça pourrait relever du motif de reconnaissance légitime en mettant en relief sa précieuse contribution dans l'unité du pays.
D'après Mohamed Al-Jattari spécialiste en restauration de monuments historiques, le site de Badis est beaucoup plus important qu'on ne pense et des vestiges archéologiques (poterie), témoignant de présence de Visigoths, avaient été découverts, ce qui signalerait une activité de civilisation dans la région bien avant l'époque musulmane. Actuellement un début d'intérêt est né grâce au concours de la société civile. Un intérêt concret est à percevoir dans le projet de restauration du monument Tores al-Kalaa, village de pêcheur, occupé au XVIè par les Portugais et Espagnols et dont les ruines se trouvent à 5 kms du Centre Beni Boufrah. Il se trouve à proximité d'un autre village de pêcheur, Cala Iris, nom attribué par les Espagnol pour remplacer le nom d'origine Yélich qui est celui du cours d'eau qui se déverse dans la baie.
La pêche semble la seule activité visible du site à Badis. Pourtant la pêche n'est plus ce qu'elle était, s'il faut en croire un jeune cafetier :
« Ce n'est plus comme avant, on a l'impression qu'il n'y a plus beaucoup de poissons. Avant il y avait beaucoup de mérous, on en capturait en quantité et du gros calibre. C'est peut-être à cause des dégâts des bateaux de pêche qui emploient des méthodes prohibées et qui détruisent tout sur leur passage ou à cause de la pollution charriée par les oueds de l'intérieur des terres... »
La région survit de l'activité touristique à partir de la saison chaude. La magnifique rade attire des visiteurs, du moins ceux qui, assez passionnés par le côté sublime du lieu, se donnent le courage d'affronter les désagréments des longues pistes. Il y a un petit hôtel et un restaurant. Pendant plusieurs mois avant la saison chaude, c'est plutôt le calme plat.
Le site accueillait des hôtes de marque. C'était le cas de feue la princesse Lalla Amina qui aimait à séjourner sur le site de Badis. Des habitants du lieu se souviennent encore de cette présence particulière.
Des visiteurs fidèles, se déplacent vers ce site qui est un havre de paix pourvu généreusement en atouts naturels. Toutefois l'avenir du site dépend aussi de la prise en charge de la dimension patrimoniale. Les chercheurs assurent que la ville médiévale de Badis sommeille trois à quatre mètres sous terre et attend des travaux de fouilles pour la faire émerger au grand jour. Pour l'instant seule la forteresse Torres (Torres Al Kalaa) va faire l'objet prochainement de travaux de restauration. Ainsi un mouvement d'intérêt pour la sauvegarde est mis en branle pour une région d'al-Hoceima qui avait subi les contrecoups de plusieurs décennies d'oubli.


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