Les enseignants-stagiaires qui ont subi des campagnes de propagande visant à les diaboliser, à les couper de leurs soutiens, surtout après les événements d'Oujda où le chef de l'exécutif a été hué, sifflé et prié de « dégager », une répression, parfois assez violente dans certaines villes, des intimidations et des tentatives de surfer sur des dissensions internes réelles ou supposées, pour fissurer le mouvement de protestation et l'avoir à l'usure, commencent à radicaliser leur mouvement. Les seules tensions qui apparaissent concernent la ligne à suivre dans l'opposition aux deux décrets entre une ligne « musclée », qui préconise des actions fortes, visibles, en concertation avec d'autres forces vives de la Nation, pour contrecarrer l'entêtement et la politique de la sourde oreille prônée par M.Benkirane, qui perçoit, selon certains membres de la coordination nationale des professeurs-stagiaires, chaque petite concession, aussi insignifiante soit-elle, comme le sacrifice le plus impensable qui pourrait anéantir la société et hypothéquer « hibate Adawla », ou l'autorité de l'Etat, et une ligne plus réconciliante, d'ailleurs majoritaire, déterminée à poursuivre les manifestations jusqu'au retrait des deux décrets, mais ouverte au dialogue, aux initiatives des partis, des syndicats et des représentants de la société civile pour désamorcer la crise et trouver une issue de sortie honorable pour toutes les parties. C'est dans ce contexte que le neuvième conseil national de la coordination nationale des enseignants stagiaires des CRMEF (Centres Régionaux des Métiers de l'Education et de la Formation), réuni entre le 18 et le 23 mars, a réitéré l'engagement des enseignants stagiaires à poursuivre leur mouvement de protestation, en entamant une grève de la faim de 72 heures, à partir de mardi, des sit-in devant les centres de formation, une marche des pôles et couronner le tout en participant à la marche des syndicats, prévue le 3 avril prochain. A noter que depuis environ 5 mois, les enseignants stagiaires multiplient les formes de protestation, pour amener le gouvernement à retirer les décrets 588.15.2 et 589.15.2 relatifs à la séparation entre formation et recrutement et aux bourses destinées aux étudiants stagiaires, qui passent de 2450 dhs à 1200 dhs. Les deux décrets signifient clairement que le concours d'accès aux CRMEF permettra l'obtention d'un certificat de qualification pédagogique ouvrant la voie aux admis à passer un concours de recrutement des enseignements, selon les postes budgétaires disponibles et selon les besoins du département. Autrement dit, réussir l'examen de sortie des CRMEF, c'est juste avoir les compétences requises pour passer le concours de recrutement. Et selon les données disponibles , sur les 10.000 postes proposés au concours d'accès au cycle de qualification des cadres du corps enseignant pour l'obtention du certificat de qualification pédagogique, dont 2500 enseignants du primaire, 3720 professeurs du collège et 3880 professeurs du lycée, seuls 7000 seront retenus vu les postes budgétaires disponibles. Apes des mois de contestation, le gouvernement craignant un enlisement de la situation et une radicalisation du mouvement, semblait donner des signes d'apaisement, avec l'ouverture des négociations entre la coordination des enseignants stagiaires et le wali de Rabat, et la proposition avancée de recruter toute la promotion de cette année en deux phases, la première en août 2016 et la seconde, 4 mois plus tard. On s'acheminait, donc, inéluctablement, vers une suspension de la mise en œuvre des deux décrets pour l'actuelle promotion et le lancement d'un débat national autour de cette question, comme l'ont suggéré les représentants des syndicats et de la société civile, afin de désamorcer la crise. Mais une certaine forme d'entêtement de l'exécutif et certaines déclarations intempestives ont tout remis en cause, nous ramenant à la case départ. Depuis, Il parait qu'on est bel et bien entré dans une logique de confrontation et d'affrontement ou chaque partie a peur de perdre la face. C'est dommage. La politique du pire, du laisser pourrir, n'a pas fonctionné. Aura-t-on le courage de faire son autocritique et de changer d'approche, pour désamorcer cette crise qui commence à prendre des allures de défi au gouvernement, cristallisant toutes les déceptions et tous les échecs. Le secteur, qui vit son énième réforme, avec la mise en application de la vision stratégique 2015/2030 pour la réforme de l'éducation, avec 32 projets, dont 26 relatifs à l'éducation nationale et 6 réservés à la formation professionnelle, a besoin de toutes ses compétences pour faire face aux défis et ne peut sortir indemne de cette crise. Le pays, qui affronte des défis relatifs au parachèvement de notre intégrité territoriale, et qui a besoin de toutes ces forces vives pour déjouer toutes les manœuvres visant ces provinces sahariennes, n'a pas besoin d'un conflit ouvert et une crise interminable sur une problématique qu'on pourrait solutionner avec un peu de sagesse, des négociations réelles et, surtout, une certaine capacité d'écoute, loin des entêtements inutiles et improductifs .