Les dernières péripéties, bien regrettables, de l'utilisation de la violence à l'encontre des enseignants-stagiaires, ne sont que les résultats d'une politique du pire, du laisser pourrir suivie par le gouvernement. A l'intransigeance de l'Exécutif refusant tout dialogue et toute négociation, et affirmant qu'il ne reculera pas d'un iota sur l'application des deux décrets décriés, les protestataires ont répondu par une radicalisation du mouvement. L'Exécutif, comptant sur une usure du mouvement, s'est encore une fois trompé sur l'évaluation de la situation. Forts des soutiens qu'ils recevaient de certains partis politiques, des centrales syndicales et de la société civile, les grévistes, eux aussi, ont opté pour le bras de fer au lieu de chercher d'autres initiatives pouvant désamorcer la crise. Résultat, une crise mal maîtrisée qui se dirige droit au chaos. Le manque d'initiatives et d'idées pour solutionner cette crise ne peut qu'engendrer de la violence, elle-même interprétée comme un aveu d'échec d'un Exécutif en panne d'idées. D'ailleurs, dans ce dossier, comme dans celui des retraites et d'autres, le gouvernement et son chef font cavalier seul, dénaturant le principe même du dialogue et de négociation, ouvrant la voie à toutes les dérives. Les forces de l'ordre viennent en rescousse pour combler un déficit de communication et de négociation. Le pire c'est qu'il semble évident que l'on se dirige inexorablement vers une année blanche au moment où le ministère compte entamer la mise en œuvre de ses mesures prioritaires. Aucun changement dans les arguments des uns et des autres, aucun effort pour désamorcer la crise. Pour l'Exécutif, les « étudiants-stagiaires » admis dans ces centres ont passé les concours en connaissance préalable de toutes les modifications apportées aux mesures, procédures et dispositions juridiques qui encadrent la formation dans ces centres et l'accès à la Fonction publique pour les enseignants, tout en faisant la distinction entre formation et recrutement. Le chef du gouvernement, qui a tendance à personnaliser les problèmes, s'est dit prêt à démissionner et ne pas perdre la face. Une belle façon de mettre le feu dans la poudrière et pousser les protestataires à se radicaliser. Attitude trop rigide pour désamorcer un conflit qui commence à faire planer le spectre d'une année blanche que le secteur de l'Enseignement ne pourrait supporter, surtout avec les réformes en cours. On ne pourra jamais réussir une réforme et conduire le changement dans un environnement conflictuel. Un dialogue fructueux avec les grévistes est plus que nécessaire. D'ailleurs, comme on l'a déjà dit, dialoguer, négocier, trouver un compromis n'a jamais signifié se compromettre ou renier ses prises de position. Et dire que là il s'agit d'un secteur où le pédagogique, l'explication, l'argumentation, la vulgarisation sont censés guider toutes les pratiques et les stratégies. Pour les enseignants-stagiaires, lors des inscriptions définitives dans ces centres, les documents signés mentionnent, sans équivoque, le statut d'enseignant-stagiaire et, à ce titre, la séparation entre formation et recrutement est « injuste et incompréhensible », ouvrant la voie à l'enseignement privé d'exploiter les lauréats de ces centres. Autre argument argué dernièrement : les décrets en question n'ont pas été publiés dans le Bulletin Officiel au moment de leur mise en œuvre. Un hiatus législatif qui en dit long sur les mécanismes de fonctionnement du gouvernement. Pour le moment, le mouvement des grévistes se radicalise et cherche d'autres formes de contestation. Ils reçoivent chaque jour des signes de solidarité d'autres corps du secteur. Avec la même revendication : amener le gouvernement à retirer les décrets 588.15.2 et 589.15.2 relatifs à la séparation entre formation et recrutement et aux bourses destinées aux étudiants-stagiaires qui passent de 2450 dhs à 1200 dhs. Après plusieurs marches et malgré l'intervention musclée des forces de l'ordre dans certaines villes, le Conseil national de la coordination nationale des professeurs- stagiaires des CRMEF projette de continuer sous d'autres formes de contestation. Il paraît qu'on est bel et bien entré dans une logique de confrontation et d'affrontement où chaque partie a peur de perdre la face. C'est dommage. La politique du pire, du laisser pourrir n'a pas fonctionné. Aura-t-on le courage de faire son autocritique et de changer d'approche pour désamorcer cette crise qui commence à prendre des allures de défi au gouvernement, cristallisant toutes les déceptions et tous les échecs ?