Face à l'enlisement de la grève observée depuis plus de deux mois, par les enseignants-stagiaires, le spectre d'une année blanche se précise. On craint que l'année de formation en cours ne remplisse plus les conditions de validité. Devant l'intransigeance de l'Exécutif et à la radicalisation du mouvement des protestataires, il semble évident que l'on se dirige inexorablement vers une année blanche. Et pour cause, aucun signe d'apaisement en vue. Le gouvernement et son ministre de l'Education ont bien signifié dans toutes leurs déclarations que les pouvoirs publics ne feront pas marche arrière sur les mesures prises au niveau des Centres Régionaux des Métiers de l'Education et de la Formation (CRMEF). Argument réitéré : les « étudiants stagiaires » admis dans ces centres ont passé les concours en connaissance préalable de toutes les modifications apportées aux mesures, procédures et dispositions juridiques qui encadrent la formation dans ces centres et l'accès à la Fonction publique pour les enseignants, tout en faisant la distinction entre formation et recrutement. Les responsables restent campés sur cet argument pour justifier leur refus de toute négociation avec les grévistes afin de chercher une solution au problème. Attitude trop rigide pour désamorcer un conflit qui commence à faire planer le spectre d'une année blanche que le secteur de l'Enseignement ne pourrait supporter, surtout avec les réformes en cours dans le secteur et la mise en œuvre de ce qui est convenu d'appeler « les mesures prioritaires ». On ne pourra jamais réussir une réforme et conduire le changement dans un environnement conflictuel. Un dialogue fructueux avec les grévistes est plus que nécessaire. D'ailleurs, dialoguer, négocier, trouver un compromis n'a jamais signifié se compromettre ou renier ses prises de position. Et dire que là il s'agit d'un secteur où le pédagogique, l'explication, l'argumentation, la vulgarisation sont censés guider toutes les pratiques et les stratégies. Pour le moment, le mouvement des grévistes se radicalise et cherche d'autres formes de contestation. Ils reçoivent chaque jour des signes de solidarité d'autres corps du secteur. Avec la même revendication : amener le gouvernement à retirer les décrets 588.15.2 et 589.15.2 relatifs à la séparation entre formation et recrutement et aux bourses destinées aux étudiants stagiaires qui passent de 2450 dhs à 1200 dhs. Pour les enseignants-stagiaires, lors des inscriptions définitives dans ces centres, les documents signés mentionnent, sans équivoque, le statut d'enseignant-stagiaire et, à ce titre, la séparation entre formation et recrutement est « injuste et incompréhensible » ouvrant la voie à l'enseignement privé d'exploiter les lauréats de ces centres. Après la marche de Rabat du 17 décembre, le Conseil national de la coordination nationale des professeurs stagiaires des CRMEF projettent d'observer des sit-in dans les places publiques des grandes villes du Royaume, initier une campagne de solidarité en leur faveur auprès de tous les fonctionnaires pour préparer la tenue de la réunion du Conseil national prévue le 10 janvier 2016. Bref, la contestation qui a commencé en 2015 se poursuivra en 2016. A la fermeté gouvernementale, on répond par une radicalisation du mouvement. Deux postures qui nous amènent tout droit vers une année blanche avec toutes les conséquences graves et incalculables de cet état de fait. Il paraît qu'on est entré dans une logique de confrontation et d'affrontement où chaque partie a peur de perdre la face. C'est dommage. La stratégie poursuivie par le ministère d'ignorer cette contestation est la forme la plus primaire d'attitude face au conflit. Ignorer le conflit est une forme de déni qui risque de laisser pourrir une situation intenable pour un secteur qui a besoin de toutes ses compétences pour faire face aux défis.