Apparemment, trop de cailloux dans les chaussures du chef de l'Exécutif ont fini par dénaturer sa marche et sa démarche jusqu'à la rendre méconnaissable, boiteuse et sans objectif précis. L'opinion publique se rappelle toujours le show de Benkirane, en pleine séance des questions à la Chambre des conseillers, retransmise en direct à la télévision, le chef de l'Exécutif n'a pas hésité à savonner son ministre de l'Education, Rachid Belmokhtar pour avoir adressé une circulaire aux directeurs des académies de l'éducation et de la formation (AREF) leur demandant d'introduire, dès la rentrée prochaine, l'enseignement des mathématiques et des sciences physiques en français dans l'enseignement secondaire qualifiant. Quelle issue à cette problématique qui a fragilisé davantage un Exécutif en mal de cohérence ? La circulaire 385-15 du 19 Octobre 2015 relative à la langue d'enseignement des mathématiques et des sciences physiques en français est toujours en vigueur et sa mise en application est prévue pour la prochaine rentrée scolaire. Entre-temps, Omar Azziman, président du Conseil supérieur de l'éducation et de la formation (CSEFRS), s'est invité à la polémique, assurant que la question des langues d'enseignement est contenue dans la vision stratégique de l'enseignement mise au point par le CSEFRS et présentée au Souverain qui l'a remise au chef du gouvernement pour être appliquée. Pour sa part, M. Belmokhtar, dans sa dernière sortie médiatique, a confirmé la mise en œuvre des mesures prioritaires et l'application de ladite circulaire lors de la prochaine rentrée scolaire, M. Benkirane ne pouvait alors qu'acter, impuissant, l'ampleur de sa défaite sur une question fondamentale comme la politique d'arabisation, lancée depuis des décennies dans le pays. Bref, à défaut de pouvoir continuer le projet en arabisant l'enseignement supérieur, déjà réussi dans plusieurs pays arabes, on a opté pour un retour en arrière et revenir sur l'arabisation de l'enseignement scientifique au secondaire. La messe est dite et le chef de l'Exécutif ne peut que constater les dégâts de sa sortie médiatique ratée, non suivie d'effets. Un aveu d'échec qui pose la question des prérogatives du chef du gouvernement, surtout après la Constitution de 2011. Autre couac du gouvernement Benkirane qui a provoqué quelques cafouillages : le dossier épineux de la stratégie de réforme de l'enseignement. Alors que le chef du gouvernement, probablement pour reprendre la main sur ce secteur, attend le résultat des travaux de la commission technique provisoire chargée de l'élaboration d'une loi-cadre relative à la vision stratégique de la réforme du système de l'éducation, de la formation et de la recherche scientifique. Une loi-cadre destinée à être présentée au Conseil de gouvernement pour adoption, le ministre de l'Education a pris les devants en assurant la mise en application de la vision stratégique 2015/2030 pour la réforme de l'éducation, s'appuyant sur le rapport du Conseil Supérieur de l'Education, de la Formation et de la Recherche Scientifique. Après les mesures prioritaires déjà annoncées, 32 projets, dont 26 relatifs à l'Education nationale et 6 réservés à la Formation professionnelle, ont été dévoilés. Les objectifs reprennent en grande partie les mesures prioritaires sur la maîtrise des connaissances et des langues étrangères, l'intégration de l'enseignement général et de la formation professionnelle, l'amélioration de l'offre scolaire, la gouvernance et la moralisation de l'école. Des projets à concrétiser sur trois étapes selon les priorités : le court, le moyen et le long terme. Et comme pour taquiner un peu plus le chef de l'Exécutif, le ministre de l'Education souligne que cette stratégie engage non seulement l'actuel gouvernement, mais aussi les gouvernements qui se succéderont dans la gestion du pays prochainement et qui seront tenus de poursuivre la mise en œuvre de cette stratégie. On se demande alors à quoi servirait la probable loi-cadre qui émanerait des travaux de la commission technique instaurée par Benkirane. Force est de reconnaître qu'on est face à un gouvernement « pluriel » sans ligne directrice qui engagerait tout le monde et un chef de l'Exécutif qui rame à contre-courant et qui finit par prendre conscience de son impuissance à peser sur le court des événements.