«Je n'étais pas au courant». Les propos émanent de Abdelilah Benkirane, chef de gouvernement. Ce dernier n'aurait pas été mis au courant par Rachid Belmokhtar, ministre de l'éducation nationale et de la formation professionnelle, concernant la décision d'enseigner des matières scientifiques au lycée dans la langue française en remplacement de l'arabe. Alors le chef de l'Exécutif a profité de son passage à la Chambre des conseillers dans le cadre d'une séance de questionnement sur la politique générale retransmise en direct à la télévision pour recadrer son ministre de l'éducation nationale. Visiblement surpris, Belmokhtar a encaissé les réprimandes d'un Benkirane profitant bien de la tribune des conseillers pour envoyer des messages ici et là. «J'ai saisi le ministre de l'éducation nationale par le biais d'un courrier lui demandant d'abandonner pour le moment sa décision concernant la langue d'enseignement en attendant d'approfondir les réflexions sur ce sujet», a lancé Benkirane à son ministre. Le numéro un de l'Exécutif en a même remis une couche en donnant des leçons de politique et de gestion. «Monsieur le ministre laissez de côté les décisions graves et complexes, et contentez-vous de mettre de l'ordre et de la discipline dans votre secteur», a-t-il ajouté.
Une première C'est la première fois au Maroc qu'un chef de gouvernement s'adresse à un ministre dans son équipe sur ce ton en direct à la télévision et à l'intérieur du Parlement. Un incident qui remet sur la table de nouveau la cohésion d'un gouvernement à quelques mois de la fin de son mandat. Et vraisemblablement, cet épisode ne devrait pas arranger beaucoup les choses au sein de l'Exécutif. Cet incident soulève par ailleurs plusieurs interrogations. La première concerne le lieu et le timing de la réaction du chef de gouvernement sur ce dossier. Il aurait été nettement mieux de régler les choses au sein d'un Conseil de gouvernement. La deuxième interrogation est relative à la méthodologie de travail au sein du gouvernement. Benkiran affirme qu'il n'a pas été impliqué ni consulté et encore moins informé de la décision de dispenser les cours des mathématiques et des sciences physiques dans la langue française pour certaines filières de l'enseignement secondaire alors que la langue utilisée jusqu'ici était l'arabe. Pourtant, il s'agit d'une décision importante dans le cadre d'une réforme stratégique du système éducatif dont la mise en œuvre est normalement confiée au ministre de l'éducation nationale. La troisième interrogation concerne la place des enjeux politiques voire les calculs électoralistes à quelques mois des prochaines élections législatives. Benkirane a qualifié la décision de Belmokhtar «d'un feu qui menaçait d'embraser tout». Carrément ! Il faut dire que la réaction du chef de gouvernement vient en harmonie avec la levée de boucliers dans certains milieux contre la décision du ministre de tutelle. A noter que le remplacement de la langue arabe par celle française pour certaines filières a été fortement critiqué par des ONG mais également des partis politiques, notamment le Parti de la justice et du développement (PJD), la formation du chef de gouvernement. Reste à savoir si Rachid Belmokhtar se laissera faire ou bien il s'accrochera à sa décision. Affaire à suivre.