Le poète marocain d'expression française, Mohamed El Jerroudi est né à Béni Sidel (au Nord du Maroc) en 1950. Il réside actuellement, à Tétouan. Professeur de français, de 1972 à 2011, il se consacre, dès 1976, à la vie des arts plastiques et littéraire (conférences, écrits et poèmes dans la presse marocaine). Il publie son premier recueil, «Le silence décrit», Ed. La croisée des Chemins, Casablanca, 1998, « Cœurs absents », Ed. du Sygne, Paris, 2010, « Les yeux des autres », Paris, 2013. Poète autodidacte, il ne se veut d'aucune école. Esprit franc-tireur, il chante la liberté, la tolérance, la paix, l'amour et la fraternité humaine, l'art et l'ouverture culturelle, par-delà les frontières et les particularismes surannés qui déchirent le monde. Son nouveau recueil «Mémoire des temps futurs », Préface de Jean Botquin, Ed. du Sygne, Paris, 2015, est une véritable prédication optimiste de l'avenir de l'actualité fauve des temps modernes à la fois amnésiques, conflictuels et aveugles. Poète qui se veut voyant de l'évidence, il a choisit comme boule de cristal la carte du Monde actuel, avec entête «la Méditerranée ». Cela rappelle à notre esprit cette judicieuse objection sur cette mer intérieure pleine de vie et de sagesse qu'est la Méditerranée intemporelle : «Or, c'est bien dans cette paisible annulation du temps que la mémoire méditerranéenne élabore sa jeunesse. C'est cela qui fait du Méditerranéen un homme qui connaît plus facilement la passion que l'étonnement. Cette mer intérieure est un espace mental. On a cru cet enclos réservé à l'esprit de mesure, comme s'il n'était pas bordé par les rivages de la foi. » - «CARNETS 1940/1973 : l'esprit frappeur », Ed. Encre, 1980. D'ailleurs, le devin El Jerroudi clame à qui veut l'entendre dans ce recueil, du bord de la Méditerranée à Tanger, dans sa pièce 19 : «Je vous appelle du nord de la Méditerranée Pas loin de Tanger au détroit de Gibraltar Je lance des poèmes au hasard Couleurs tamisées tels des rêves De simples bouteilles qu'on jette à la mer J'espère qu'elles trouveront écho quelque part.» Dans la pièce 31, le poète natif du bord de la Méditerranée, El Jerroudi, consulte l'oracle, sur un rocher millénaire, un pêcheur en guise de Pythie (grecque), en ces termes : « Je suis né Au bord de la méditerranée Chez nous tout le monde est né ici Quand je regarde les vagues Je me demande comment étaient mes ancêtres ............. De l'autre côté d'un rocher millénaire je suis allé voir un vieux pêcheur Lui qui sait comment parler aux vagues Je l'ai salué à haute voix Lui m'a répondu en se recueillant en silence ............. Puis il a commencé à énumérer les noms de mes ancêtres Tu es le fils d'Adam et Êve Puis tu as voyagé dans l'arche de Noé Tu as sans doute débarqué à Athènes ou au Liban Peut-être es-tu phénicien car tu vis maintenant à Tanger Tu as confessé à l'Islam et tu as vécu à Cordoue plus De huit siècles Aujourd'hui tu vis au début d'un siècle où chaque mosquée a sa religion Je sais que tu cherches ton dieu N'écoutes jamais ce qu'en disent les savants marchands de prières Crois en ton dieu vis tes rêves sois toi-même Regarde cette lumière qui te vient de partout Et ne fais jamais marche arrière ». Notons que l'inspiration poétique d'El Jerroudi trouve sa source permanente dans trois dimensions autobiographique de son égo profond : une transposition imagée en filigrane de sa langue maternelle, une métaphore filée du monde physique ou plastique (voire picto-poétique) de la vie quotidienne et une représentation poétique stylisée d'une vision humaniste quasi mystique de l'actualité géo-politique souveraine. C'est la continuité d'une quête d'un idéal poétique en perpétuelle transformation formelle et thématique d'une interrogation philosophique du réel de l'Homme, du monde, de son histoire et de son salut mystique, existentiel et interculturel futur. En somme le dernier recueil «Mémoire des temps futurs », de M. El Jerroudi, troisième volet d'une trilogie tacite, composée de ses trois derniers recueils, résumant, de façon alarmante, l'état critique de notre temps humain actuel trouve curieusement son écho dans cette jugement cinglante de G. Heine : «On se plaît à qualifier notre temps d'apocalyptique. Ce mot a le mérite de flatter notre vanité. Nous nous posons, à travers lui en témoins et en agents de grandes catastrophes. De ce goût de cataclysme se dégage un premier enseignement (...) : la myopie mentale réclame des perspectives grandioses. Il y a dans la vie, un jeu de compensations trompeuses qui fait qu'une pensée atrophiée finit presque toujours par se rattacher à une forme quelconque de gigantisme idéologique. » - «CARNETS 1940/1973 : l'esprit frappeur »