L'anthologie personnelle hispanophone, en vers et prose, «Requiem en Tetuán », d'Ahmed Mohamed Mgara – parue fin 2014, en collaboration avec l'Estrechando Tetuán - Algesiras, imp. A.A. Arabi, de Tétouan, 156 p. – est à proprement parler la mémoire revisitée d'une cité en péril – ici la ville natale de l'auteur, Tétouan. Cette publication rappelle vivement à notre esprit cette interrogation alarmante et incisive de Georges Henein : « Qui saurait supporter l'avilissement de toutes choses sinon l'homme au regard avili dès sa naissance? Dès lors que le palais est en ruines, nous pardonnera-t-il de l'avoir rassemblé pour une idéale entreprise de communication [v. patrimoine de l'humanité] ? » - «CARNETS 1940/1973 : l'esprit frappeur », Ed. Encre, 1980, p.223. Dans son prologue à cet ouvrage, Patricio Gonzalez Garcia [écrivain espagnol, né à Algesiras, 1955], y relate laconiquement : « Dans notre langage quotidien il des choses qui réclament notre attention (...). Requiem pour Tétouan, définit parfaitement la dimension de l'âme d'Ahmed Mohamed Mgara. Une âme aussi grande que la conscience, que l'âme de sa propre cité. Mgara est l'âme de Tétouan. » (pp.5-6). Dans sa note en guise de préface, Boujemaa El Abkari, (professeur hispanisant, à la Faculté des Lettres de Mohammedia, Maroc), souligne savamment : «Requiem en Tetuán (2014) est un livre inédit de Si Ahmed Mgara. Il y traite d'une sorte d'«autobiographie» lyrico-narrative dont les protagonistes essentiels son un «JE» - déchiré et plaintif d'un amoureux de sa cité natale – en évident conflit, maintes fois dans son propre cœur, avec son ingrate et indifférente bienaimée, Tétouan, qui est à la fin le cap, l'ombre de ce même «JE» - in « Tristes divagaciones de un dolorido enamorado tetuani» (p.7). En un mot, ce cri d'alarme passionné et passionnant, en faveur de la sauvegarde de la cité de Tétouan en péril, déclarée en vain patrimoine culturel de l'humanité par l'UNESCO, qu'incarne ici, dans sa propre anthologie littéraire hispanophone, M. A. Mgara, mémoire revisitée, face aux vicissitudes du temps et de l'oubli, ne manque pas d'éveiller en nous et de rappeler à notre attention cette pensée fort inquiétante de G. Heneine, avisant : «La mémoire, elle aussi, a ses marges jaunies, propices à tous les dépaysements. Dans cette frange baignée d'un jour incertain qui n'est ni tout à fait l'aube, ni déjà le crépuscule, le passé garde une jeunesse médusante, le passé demeure une aventure [celle d'un patrimoine culturel de l'humanité en péril : v. ici Tétouan]. »