L'ancien homme fort de la junte birmane, Than Shwe, voit en l'opposante Aung San Suu Kyi, jadis son ennemie jurée, la «future dirigeante» de la Birmanie, selon son petit-fils. Than Shwe, ancien facteur devenu général qui a régné d'une main de fer sur le pays pendant deux décennies, jusqu'en 2010, a rencontré vendredi le prix Nobel de la paix. Aung San Suu Kyi, dont le parti a très largement remporté les premières élections libres depuis 25 ans en Birmanie, est en train de préparer la transition en rencontrant les hommes clés du régime post-junte. Than Shwe, dont le régime avait pratiqué une répression impitoyable, avait maintenu Aung San Suu Kyi en résidence surveillée pendant des années. La rumeur voulait qu'il rechignait même à prononcer son nom. «Tout le monde doit accepter la vérité, Daw Aung San Suu Kyi sera la prochaine dirigeante de la Birmanie après sa victoire aux élections», a dit l'ancien général de 82 ans, cité samedi soir par son petit-fils Nay Shwe Thway Aung sur sa page Facebook. «Daw» est un terme qui marque le respect. «Je la soutiendrai sincèrement autant que je le pourrais si elle peux vraiment travailler pour le développement du pays», a ajouté l'ancien général, selon son petit-fils. Win Myint, porte-parole de la formation de l'opposante, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), a confirmé la rencontre de vendredi, précisant qu'il s'agissait de la première depuis 2003. Le prix Nobel de la paix, âgée de 70 ans, ne peut devenir présidente en raison d'une Constitution héritée de la junte qui interdit la fonction suprême à toute personne ayant des enfants étrangers: or les fils d'Aung San Suu Kyi sont britanniques. Mais la fille du général Aung San, héros de l'indépendance birmane, a prévenu avant les élections qu'elle avait un «plan» et qu'elle serait «au-dessus du président» En décidant en 2011 son auto-dissolution, la junte a permis à la Birmanie une sortie de décennies de dictature militaire et d'isolement qui ont laissé le pays exsangue. Cependant le pouvoir politique est resté jusqu'ici concentré entre les mains d'anciens généraux. Aung San Suu Kyi a rencontré mercredi le président sortant Thein Sein et le chef de l'armée Min Aung Hlaing pour préparer une «transition pacifique». Le système politique birman, hérité de la junte, impose une période de transition très longue entre les élections législatives et l'entrée en fonction du nouveau pouvoir. Thein Sein restera en fonctions jusqu'en mars puisque le nouveau Parlement, qui doit élire le prochain président, ne siègera pas avant février. Un laps de temps de plusieurs mois qui inquiète dans le pays qui avait déjà, en 1990, massivement voté pour la LND en espérant tourner la page de la junte. Mais les militaires avaient ignoré les résultats.