Habité par la passion de servir, de conforter des mieux êtres au commun des mortels, le jeune vivant technologique, œuvrait au profit de sa cristallisation, et dans sa tribu professionnelle, auprès de ses homologues mobiles, et en sa sphère sociale. Sa raison d'être, servir les exclamations, les appels en concret ou en ligne, se ravitaillait de prairies, auteurs de généreuses substances d'utilités publiques. Pour s'enraciner dans le nouveau monde, il devait éviter, à tout prix, d'être additionné aux amnésiques, aux semi-vivants, de passer outre le marché des insensibilisés, d'être dépassé par le temps ou encore bradé, soldé au cimetière express. Il devait sauvegarder, sauvegarder le nécessaire, comme le futile, des jeux qui compressent les jours, enflamment les esprits, performent les nuits des âmes. Il veille. Il veille sur l'apparence, la vitrine, sur les consignes ordonnées par les grands de l'entreprise. Le Mob tolérait des incohérences et se comportait comme si de rien n'était, assurait rigoureusement ses devoirs technologiques. Il fallait veiller sur le cachet, gage de l'image, des prestiges, vœux chers au patriarche de la maison-mère. Les maitres-mots, murmuraient mutisme, clignotaient émaillage, poudraient les yeux, au demeurant, « raht al bal » paix spirituelle. - Je suis le mobile, la nouvelle créature technologique, distributeur de services, l'inséparable du quotidien. Maintenant, mon profil s'étend ; je croise beaucoup de mes homologues mobiles, loin de ressembler à notre entreprise, à nos âmes. Ils ne disposent ni du même clavier, imbibé d'eau de roses amères, musquée tendrement par nos marabouts, Moulay Brahim, Moulay Idriss Zerhoun, ni de la baraka divine qui allaitent affectueusement nos touches ; ils ne reconnaissent ni calligraphies artisanalement caramélisées, ni comédies humaines monolingues, encore moins les feuilletons de vie bilingues ou polyglottes. Beaucoup de mes homologues mobiles aiment à chanter tranquillement «tout va bien madame la marquise ». Oublier le lugubre passif Devenu objet d'usage nécessaire aux humains, il drainait dans son sillage jeunes et moins jeunes, adultes et personnes d'âge avancé. Grâce à des forces insondables, humidifiées de pure et douce mazhar (eau de fleur d'oranger) de nos ancêtres chorfas, il prospérait en résolution et imagination. Il s'accommodait aux couches sociales de toute nature. Il sillonnait aisément les bidonvilles les plus cotés de la ville, naturellement les lieux les plus prestigieux de la capitale. Encore enfant type, il évoluait dans les ruelles tatouées des traces d'histoire. Il marchait au milieu de ces murs aux larmes rouge foncé, inondés généreusement par des balles aveugles, assassines et injustes, éliminant sans scrupule des courageux de sa cité, des résistants, ses plus proches y compris. Les armes étrangères tonnaient comme des chiens enragés, ciblant sa demeure même. C'était dans les années 50 dans le ventre de Derb Soltane. Un spectacle effrayant, auquel en tant que jeune enfant, encore dépourvu d'intelligence artificielle, il ne comprenait rien. Ces soldats franco-sénégalais, tiraient sur tout, comme bon leur semblait. La France ordonnait, les mercenaires s'appliquaient. Normal, ces engagés aspiraient aux promotions, aux avancements. Promotion contre massacre humain. La technologie, désormais, s'éparpille dans le monde. Cette réalité, le soulage, lui donne l'espoir d'oublier le lugubre passif. La communication fera chaine planétaire, tissera nécessairement des liens continus ; le monde jaillira en mémoire universel, partagera de plus en plus de contacts. L'entreprise travaillait copieusement tous les sens, l'allure, la performance technique des opérations de l'objet « je me laissais faire pour réussir la partie » avait-t-il déjà martelé. Étant donné l'intérêt que portait l'entrepreneur au développement de l'être-portable, à ses progrès technologiques, le Mob se préparait à toute éventualité, aussi bien réelle qu'imaginaire. Mais il n'aspire qu'à servir, être au service de l'humain tout simplement. Encore jeune enfant, curieux, il désertait la maison ; il parcourait de nombreuses régions du pays, s'endormait à peine couvert seulement d'un manteau, griffé d'usure de temps, aux coins des rues l'environnant. Ce mektoub ne l'a pas empêché de confectionner d'autres mektoubs.