Le cinéma, c'est le théâtre des illusions, le lieu d'expression de la fiction. La philosophie, au contraire, se méfie des apparences et cherche, derrière le miroir des illusions, des vérités, stables et universelles. Du moins en principe. En effet, si les philosophes classiques, comme Platon ou Descartes, répugnent à baigner dans le fleuve inconstant des sensations et autres sentiments passionnels (Le mythe de la caverne, au fond de laquelle les hommes se bercent d›images illusoires, ignorant que la vérité est à la sortie, peut être comparé à la salle obscure d›un cinéma), d›autres, moins idéalistes ont entamé et même apprécié un dialogue constant entre la raison et l›imagination, entre la réalité et le rêve. Nietzsche pensait que le mensonge de l›art était nécessaire à l›homme pour supporter la réalité. Gaston Bachelard, plus récemment, parlait de la fonction de l›irréel, du rôle de la rêverie dans la constitution de la psyché humaine. Sans le rêve, sans le fantasme, l›homme serait comme une pierre, ou une machine à calculer, inerte. Dès lors, oui, un dialogue entre la fiction cinématographique et la raison philosophe est possible et même souhaitable. Pour peu qu›on regarde un film avec un regard critique, par rapport à l›éventuel message, à la construction du scénario, à la part de rêve et de réalité et la mince frontière qui les distingue, les angles de vue ne manquent pas pour qui désire rénover sa perception. Un film véhicule plus de valeurs qu›il ne prétend et chaque projection est une occasion de questionner le monde et l›Homme d›une manière nouvelle, voire originale et, en tout cas, intéressante. Une discussion de groupe autour d›un film permet de dépasser ses propres habitudes de perception et d›interprétation, de traverser l›écran des apparences pour apprécier l›essence d›une oeuvre qui, bien que fantastique, reflète le jeu, souvent théâtral, de la vie en société. Il est bon, de temps en temps, que la philosophie fasse son cinéma...