Le Maroc continue de battre en retraite face à la corruption. Face aux députés, le président de l'Instance Nationale de Probité, de Prévention et de Lutte contre la Corruption (INPPLC) a fait état d'une stagnation tout en identifiant les origines, dont la faible réactivité des autorités. Détails. La corruption est tellement enracinée dans le paysage marocain qu'elle peine à en être extirpée. Les innombrables stratégies qui visent à lutter contre ce mal permanent qui nuit à l'image du Royaume à l'étranger ne donnent toujours pas les effets escomptés. Le constat est renouvelé par le président de l'Instance de Probité, de Prévention et de Lutte contre la Corruption (INPPLC), Bachir Rachdi, qui s'est exprimé sur l'état actuel de la corruption lors d'une audition à la Chambre des Représentants. Face aux députés de la commission de contrôle des Finances publiques, le patron de l'INPPLC a été clair lorsqu'il a dressé un diagnostic sans fioriture. Sans langue de bois, il a fait part d'une « stagnation » de la lutte contre la corruption contre laquelle le Maroc semble battre en retraite. Pas la peine d'aller faire des études approfondies pour s'en rendre compte, les chiffres sont tellement parlants. Malgré les efforts consentis ces dernières années, le Maroc reste relégué dans les rangs les plus éloignés au niveau international en matière de probité. Le Royaume a perdu cinq points dans l'indice de lutte contre la corruption de Transparency de 2018 à 2022, passant de 43 à 38. Ceci a détérioré le classement du Royaume qui a perdu 21 places au cours des cinq dernières années. Classé 94ème sur 180 pays, le Maroc occupe une place, pour le moins que l'on puisse dire, peu honorable. Une notation que le Royaume peine à améliorer bien qu'il s'est doté d'un mécanisme institutionnel important pour ce faire. Pour rappel, l'Instance est désormais opérationnelle après l'entrée en vigueur de la loi afférente et la nomination de ses douze membres. En effet, l'achèvement du cadre légal a été considéré comme un pas majeur dans la mesure où la réforme de la loi a apporté une définition plus claire et plus exhaustive de la corruption qui comprend un éventail d'infractions constitutives d'actes de corruption. Malversations, incurie des agents publics, abus de pouvoir et toutes les infractions financières et atteintes aux règles de la concurrence. A quand la pénalisation de l'enrichissement illicite ? Cependant, le cadre législatif ne saurait être complet sans que le Code pénal ne soit adapté aux nouvelles formes de corruption. Une condition sine qua non pour avancer dans ce chantier national. Force est de constater que la pénalisation de l'enrichissement illicite n'a pas abouti puisque la réforme du Code pénal, telle qu'élaborée par l'ex-gouvernement, n'a pas été votée. Tout le monde se souvient de la polémique qu'avaient suscitée les débats sur cette question au Parlement qui a condamné la réforme à rester prisonnière de la commission de la Justice de la première Chambre. Maintenant, le pari est fait sur la nouvelle réforme que mène actuellement le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi. Sur ce point, l'INPPLC insiste inlassablement sur la nécessité de pénaliser l'enrichissement illicite dans une loi spécifique. Le nouveau cadre légal a permis l'extension des prérogatives de l'Instance qui s'est dotée d'un pouvoir d'investigation et c'est l'une des grandes nouveautés de la réforme. La nouvelle loi permet à l'Instance de poursuivre les affaires de corruption qui lui parviennent. L'Instance est habilitée à recevoir les dénonciations et les réclamations, d'engager des enquêtes, d'accéder aux locaux administratifs et professionnels, constater les infractions avec les agents de la police judiciaire, et se constituer partie civile dans les affaires en justice relatives à la corruption. C'est là le grand défi des membres de l'Instance puisque leur réussite sera évaluée à l'aune de leur capacité à déférer des affaires de corruption devant la Justice auprès de laquelle l'Instance joue un rôle complémentaire. A cet égard, la saisine de l'Instance constitue un défi important d'autant plus que plusieurs épines sont dressées dans le chemin des lanceurs d'alertes. Dans son rapport, l'Instance fait clairement savoir que les gens osent peu notifier des dénonciations par crainte. Ceci est dû essentiellement au manque de protection des dénonciateurs vu les difficultés liées à la production de preuves concernant les actes de corruption dont ils sont témoins. Raison pour laquelle l'Instance préconise tout un dispositif national de gestion des dénonciations. Peu d'attention aux recommandations de l'INPPLC Comme elle n'est qu'en début de parcours, l'Instance dont le siège est situé à Hay Riad à Rabat, se prépare. Entre-temps, elle joue pleinement son rôle de force de proposition. La compétence consultative reste l'un des aspects les plus importants du travail de l'INPPLC. Toutefois, les rapports qu'elle produit régulièrement et les recommandations qui en découlent ne sont pas pris en compte par les autorités concernées. Dans son exposé, Bachir Rachdi a reconnu que les conclusions de son Instance restent « noir sur blanc » compte tenu de la réactivité quasi-nulle des autorités compétentes. En fait, de 2019 à 2021, l'Instance a produit 34 rapports thématiques de première importance, contenant 1000 recommandations. Législation anti-corruption, amélioration du climat des affaires, lutte contre l'impunité et la prévarication, les conflits d'intérêts...etc., autant de domaines où de nombreuses pistes de réflexion ont été mises en avant à l'attention des pouvoirs publics.