Alors que la situation épidémiologique connaît une dégradation sans précédent, le Maroc joue toutes ses cartes pour contrer la 4ème vague du Covid. Elargissement de la campagne anti-Covid, incitation des étudiants à la vaccination, durcissement des mesures...la situation ne prête pas à l'optimisme. La situation sanitaire inquiète jusqu'au plus haut sommet de l'Etat, en témoigne le lourd bilan enregistré, la semaine dernière, qui a dépassé la barre des 10.000 cas en 24 heures. Un contexte épidémiologique aussi angoissant qu'exceptionnel, et qui met en péril l'économie nationale et chamboule le quotidien de tout un chacun. Les nouvelles restrictions sanitaires, dont le couvre-feu nocturne et l'interdiction des déplacements de et vers certaines villes où les compteurs des contaminations connaissent une flambée sans précédent, laissent planer le doute sur un retour au confinement. Désormais, pour tenter de freiner le nombre de contaminations monté en flèche suite au variant Delta qui est beaucoup plus contagieux que la souche traditionnelle, les autorités sanitaires ont décidé d'annoncer officiellement l'élargissement de la campagne de vaccination au profit des personnes âgées de 20 ans et plus. Une annonce qui a été suivi par un communiqué du ministère de l'Education nationale, appelant «les étudiants et stagiaires de la formation professionnelle concernés à se rendre, à partir de lundi, au centre de vaccination le plus proche pour bénéficier de la première dose sans condition liée au lieu de résidence». En ligne de mire : garantir une rentrée universitaire «safe & sound». Parallèlement, les autorités insistent sur le respect des gestes barrières, ne serait-ce que pour réduire la circulation du virus, et désengorger les hôpitaux en empêchant les cas graves pour revenir à la quasi-normalité. Contacté par nos soins, le Dr Moulay Saïd Afif, membre du Comité scientifique de la vaccination anti Covid-19, a indiqué que la vaccination est un « devoir citoyen puisqu'elle permet de protéger mutuellement et sa santé et celle des autres », avant d'être une stratégie qui consolide l'ambition du Royaume d'atteindre une souveraineté sanitaire authentique. Il s'agit de l'une des principales armes dans la lutte contre le virus, d'où l'élargissement de la campagne nationale de vaccination qui continue de s'étendre à toutes les tranches d'âges et les catégories, y compris les jeunes qui sont les plus exposés au variant Delta et les femmes enceintes dont le système immunitaire est déjà fragile. Une issue pour éviter le décès Depuis le premier arrivage des vaccins anti Covid-19 et le début de l'opération nationale de vaccination priorisant les personnes les plus à risque, de nombreux individus ont élevé la voix en relayant sur les réseaux sociaux des fake-news relatives aux vaccins et à leurs potentiels méfaits. En réponse à ces multiples discussions qui alimentent la Toile, Dr Afif a rassuré la population que « les trois vaccins utilisés par le Royaume, à savoir Sinopharm, AstraZeneca et Jonhson & Jonhson, protègent contre les maladies graves à 93% et à plus de 99% contre les décès ». Notre interlocuteur s'est attardé, en outre, sur les récents chiffres dévoilés par le ministre de la Santé, Khaled Ait Taleb, qui révèlent que seulement 0,09% des vaccinés ont attrapé le Covid au Maroc, soit 9.000 sur 10.000.000 de personnes vaccinées. De son côté, Jaâfar Heikel, épidémiologiste, spécialiste en maladies infectieuses et expert en management sanitaire, a évoqué les deux facteurs importants de la vaccination. Le premier est la réduction de 60 à 70% le risque de contracter le SARS-CoV-2 et de 65% de le transmettre à une autre personne, tandis que le deuxième atteste la réduction de 85 à 90% des chances de subir une hospitalisation, particulièrement chez les diabétiques, les sujets âgés ou souffrant de maladies chroniques, a-t-il expliqué. Par rapport au variant Delta, notre source a noté que les vaccins protègent certes, mais ne sont pas de la même efficacité quand il s'agit des souches classiques, d'où l'importance d'être encore plus vigilants car « nous avions une protection de 85 à 80% qui est passée à 65%, voire 60 % ». Efficacité contre les variants L'ensemble desdits vaccins ont toujours préoccupé les citoyens quant à leur efficacité contre les variants. L'épidémiologiste et Doctorant en Santé Publique, Thibault Fiolet, a présenté dans une étude comparative les résultats sur Sinopharm, AstraZeneca et Johnson & Jonhson. Pour ce qui est du vaccin AstraZeneca, il paraît qu'il est efficace à hauteur de 74,5% et de 67% respectivement contre les variants Alpha et Delta, tandis le vaccin monodose Johnson & Johnson, administré à Casablanca, Marrakech et Agadir, présente une efficacité de 84,5% contre les hospitalisations graves et une protection complète pour les personnes dont la situation sanitaire s'est compliquée suite au variant Alpha. Par contre, l'étude en question a révélé uniquement le taux de protection de Sinopharm contre le variant Alpha qui est de 78,5%. Cela dit, bien qu'aucun vaccin ne puisse fournir une protection à 100% contre les infections virales, les différents variants peuvent toujours être contrôlés avec les vaccins existants. Ils peuvent réduire efficacement les taux d'hospitalisation, les cas graves et les décès.
Siham MDIJI L'info...Graphie 3 questions à Jaâfar Heikel « Le vaccin réduit le risque aussi bien de transmission et d'acquisition du Covid-19 que d'hospitalisation et de complication »
Jaâfar Heikel, épidémiologiste, spécialiste en maladies infectieuses et expert en management sanitaire, a répondu à nos questions sur l'intérêt de la vaccination. - Pensez-vous qu'une troisième dose est nécessaire pour se protéger contre le Covid-19 ?
- Dans le contexte marocain, je ne peux pas proposer de 3ème dose puisqu'on ignore le niveau de protection des citoyens. C'est d'ailleurs ce que je reproche au ministère de la Santé qui ne publie pas suffisamment d'études et d'enquêtes à propos du virus pour à la fois préserver la santé publique et convaincre les vaccino-sceptiques de l'utilité de la vaccination. Quoiqu'on lui a écrit à maintes reprises, le ministère de tutelle ne nous a jamais donné le feu vert pour entamer des études de terrain ne serait-ce que pour être au courant du pourcentage de propagation de Delta au Maroc. - De nombreux Marocains privilégient le vaccin Sinopharm à Johnson & Johnson. Qu'en pensez-vous? - Je vous signale que sur tous les médicaments ou les vaccins, il y a des effets indésirables mineurs, modérés et graves ou majeurs. Pour ce qui est de l'incident qui est survenu à Marrakech, il y a une enquête qui a été ouverte par le ministère de la Santé qui déterminera ce qu'on appelle l'imputabilité, c'est-à-dire s'il y a une relation directe entre le fait que cette personne se soit fait vacciner et son décès. Certes, les vaccins peuvent être mieux recommandés chez une catégorie de personnes que chez une autre (selon certains critères, dont l'âge), mais on ne peut pas dire que l'un est mieux que l'autre rien qu'en se basant sur les dires des citoyens. - La vaccination vient d'être autorisée chez les femmes enceintes, sauf qu'il y en a beaucoup qui préfèrent s'abstenir par crainte de risques. Comment peut-on faire pour les convaincre d'aller se vacciner ? - Les études qui ont été faites, particulièrement en Amérique Latine et aux Etats-Unis, montrent que la vaccination ne présente aucun danger pour l'embryon ou le foetus. Au contraire, elle permet à la future mère de développer une réponse immunitaire robuste contre la maladie. Par contre, il est préconisé d'attendre le début du 2ème trimestre de grossesse par principe de précaution et pour éviter les complications obstétricales.