Avec 2 millions de doses du vaccin Pfizer, attendues des Etats-Unis, grâce à une médiation israélienne, le Maroc renforcera son arsenal de vaccinations pour lutter contre la pandémie. Après Astrazeneca, Sinopharm et Johnson & Johnson, le Maroc aura droit à une première livraison du vaccin américanoallemand PfizerBioNTech, nous affirment des sources sûres au sein du ministère de la Santé. Cet arrivage de deux millions de doses sera acheminé depuis les Etats- Unis, suite à une «médiation israélienne », ajoute la même source, sans pour autant donner une date précise. Ce vaccin né de l'alliance entre Pfizer et BioNTech est le premier vaccin contre le virus Sars-Cov-2 à avoir été autorisé en Europe (le 21 décembre 2020) et est le plus administré aujourd'hui dans l'UE. Puis, les Etats-Unis ont emboîté le pas après que l'Agence américaine des médicaments (FDA) ait autorisé sa mise sur le marché le 11 décembre. Un principe unique Le vaccin Pfizer/BioNTech est un vaccin à ARN messager. C'est une technologie nouvelle, qui n'avait pas fait ses preuves contre d'autres virus jusqu'ici. Le principe du vaccin à ARN n'est pas d'injecter le virus pour que l'organisme développe des anticorps contre lui, mais des molécules d'ARN ou d'ADN de ce virus qui code pour la formation de la protéine Spike dans le cadre du Coronavirus. C'est cette protéine qui permet au virus d'entrer dans les cellules de l'organisme. Lors de l'injection, les cellules qui vont recevoir l'ARN vont produire les protéines du virus qui vont se retrouver à la surface des cellules. Les cellules immunitaires vont alors considérer ces cellules comme étrangères et les détruire. Les vaccins à ARNm ont le même objectif que les vaccins traditionnels, à savoir déclencher une réponse immunitaire pour que l'organisme puisse se défendre mais pas avec la même méthode. Une efficacité à 95% En plus de la technologie unique utilisée par le vaccin Pfizer, ce dernier se distingue également par sa grande efficacité. Il revendique une performance de 95% alors que la performance d'AstraZeneca, par exemple, est estimée en moyenne à 70,4%. Toutefois, Pfizer nécessite un mode de conservation spéciale à -70°C (plus ou moins 10 degrés) pendant le transport tandis que celui d'AstraZeneca, Sinopharm ou encore Janssen peut être conservés, transportés et manipulés dans des conditions réfrigérées classiques (entre 2 et 8 °C) pendant au moins six mois. Somme toute, Jaâfar Heikel, médecin spécialiste en maladies infectieuses, nous affirme que « cette technologie a plusieurs avantages, et son seul inconvénient est par rapport au conditionnement au stockage». (voir 3 question à...). Quels effets indésirables ? A l'instar des médicaments, les vaccins peuvent provoquer des effets secondaires, appelés «indésirables ». Ces effets ont été le centre d'occupation de plusieurs recherches scientifiques. Fatigue, céphalées, myalgies, frissons, arthralgies et fièvre sont les effets les plus fréquents. D'autres effets moins fréquents ont été enregistrés également comme les douleurs aux extrémités, la lymphadénopathie ou encore des cas de paralysie faciale qui se sont déclarés pendant les essais cliniques. Toutefois, les effets se sont dissipés dans les jours suivants. D'ailleurs, selon l'OMS, les personnes ayant des antécédents de réaction allergique grave à l'un des composants du vaccin ne doivent pas être vaccinées. Jusqu'à ce jour, plus de 13.600.000 personnes ont déjà reçu la première dose au Maroc dont plus de 10 millions sont totalement vaccinés. Ceci dit, près de 40% de la population ciblée par la campagne de vaccination est totalement vaccinée. Les autorités sanitaires comptent vacciner 80% de la population pour atteindre l'immunité collective. Face à la flambée des cas positifs et grâce à la réception de nouvelles doses de Pfizer, vaccin qui pourrait être administré aux adolescents également, l'orientation du Maroc à décréter la vaccination obligatoire pour accélérer la campagne semble s'imposer comme une alternative aux restrictions drastiques. Hiba CHAKER Repères Janssen, sujet de polémique Le Maroc a reçu, samedi dernier, un premier lot du vaccin Janssen de Johnson&Johnson contenant 300.000 doses. Il s'agit d'un don provenant des Etats-Unis dans le cadre du programme de solidarité internationale « COVAX », supervisé par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Toutefois, ce vaccin suscite autant l'admiration que la méfiance après l'apparition de quelques cas d'effets secondaires à Marrakech. La semaine dernière, des informations relayées par certains médias font état d'un cas de décès et de deux cas de convulsion dans les rangs de femmes employées dans le secteur touristique.
AstraZeneca, le grand absent Clap de fin pour la vaccination contre le Covid-19 avec AstraZeneca au Maroc ? Alors que ce vaccin a inauguré la campagne nationale de vaccination, il est actuellement absent des dispensaires marocains malgré que le Royaume a déjà acheté 20 millions de doses dont il n'a reçu que quelques millions. Pour cause, la subite et terrible explosion du nombre de contaminations et de morts de la Covid-19 qui a ravagé l'Inde, ce pays a décidé alors de ne plus exporter ce vaccin mis au point conjointement par le fabricant AstraZeneca et l'Université Oxford et produit sur son territoire afin de protéger d'abord sa population. 3 questions à Jaâfar Heikel « Il faut que tout le monde adhère à la vaccination : c'est une responsabilité collective... »
Nous avons contacté Pr Jaâfar Heikel, personnalité à casquettes multiples dont celles d'enseignant universitaire, expert en management sanitaire, épidémiologiste et spécialiste en maladies infectieuses, pour nous éclairer à propos des polémiques qui animent la scène vaccinale. - Le vaccin Janssen suscite beaucoup de polémique chez les Marocains, comment peut-on apaiser l'inquiétude des citoyens ? - Dans tous les vaccins à travers le monde, il y a une part d'impondérable et d'effets indésirables. Donc, il ne faut pas incriminer un vaccin plutôt qu'un autre, parce que cela serait une imputation hâtive et abusive. Il faut faire l'enquête et je crois que le ministère de tutelle est en train de la mener actuellement, il faut donc leur laisser le temps d'arriver à des conclusions, pouvant démontrer qu'il y a effectivement un impact préjudiciable et une instabilité, tout comme pouvant démontrer que ce n'est pas le cas. Pour clore cette polémique, il faut mettre en balance le bénéfice et le risque. Et aujourd'hui, pour tous les vaccins anti-Covid produits par rapport au temps d'étude dont nous disposons, le bénéfice est supérieur au risque, et si l'on met en balance ces éléments (ce qu'on appelle le tableau de contingence), on constatera que le bénéfice est nettement supérieur au risque. - Comment peut-on atteindre l'immunité collective en dépit de l'hésitation des citoyens qui marque de plus en plus la campagne nationale ? - Il faut que tout le monde adhère à la vaccination : c'est une responsabilité collective... On n'a jamais dit que la vaccination empêchait l'infection ou qu'elle allait protéger à 100%, mais ce qu'on dit, par contre, c'est qu'elle réduit d'une façon importante jusqu'à 65% et 80% le risque de se faire infecter de nouveau, et jusqu'à 85% à 90% le risque d'hospitalisation et de complication. Ce sont des chiffres importants, qu'il faut retenir. Quand la vaccination atteindra 80% de la population cible, on aura l'immunité collective et on réduira la capacité du virus à circuler et automatiquement nous réduirons aussi le risque d'hospitalisation et de cas graves. - Avec l'arrivée des vaccins Pfizer, on parle déjà d'ARN messager qui, pour certains, pourrait modifier le génome humain. Est-ce vraiment possible ? - L'ARN messager ne modifie pas notre génome. Comme son nom l'indique, c'est un messager qui transporte une information cruciale permettant de fabriquer des anticorps pour pouvoir se défendre contre un virus moyennant sa propre protéine, qu'on appelle protéine « star » et qui permet justement de le reconnaître. Cette technologie a plusieurs avantages, et son seul inconvénient est par rapport au conditionnement et au stockage, car il faut être à moins 80 degrés... Quant à l'avantage, il est d'emblée décisif : comparé aux autres vaccins de type classique, l'ARN messager permet de s'adapter plus facilement aux nouveaux variants du Coronavirus, notamment au variant Delta, au vu des données scientifiques actuelles dont nous disposons.