« Selon les statistiques de notre cabinet, nous avons constaté, ces quatre dernières années, une multiplication par quatre du nombre des personnes en addiction venant consulter et demander de l'aide pour se sevrer », alerte Dr Saâd Oukili Idrissi, psychiatre et addictologue opérant sur la ville de Fès. Un constat qui est d'autant plus alarmant car il concerne en particulier les plus jeunes. « Ce ne sont plus uniquement de jeunes adultes qui succombent à la cocaïne. Aujourd'hui nous accueillons des enfants, des adolescents de 14 ans qui sont déjà en addiction modérée et parfois sévère », déplore le psychiatre. Dangereuse drogue prisée par les fêtards, la cocaïne est spécialement prisée pour ses effets faussement stimulants : énergie intense, confiance en soi amplifiée, sensation d'euphorie et réduction phénoménale de la fatigue. Faussement, parce que les conséquences sont désastreuses pouvant aller jusqu'à des meurtres. Si auparavant la consommation de la cocaïne était limitée à une certaine catégorie sociale à cause de son coût élevé, aujourd'hui le cercle des consommateurs s'élargit aux plus jeunes chez qui les risque sur la santé sont encore plus désastreux et brisent bien des vies, comme l'explique le spécialiste. Drames « L'addiction à la cocaïne est rapide et ses effets sur la santé physique et mentale sont très néfastes », explique Dr Oukili Idrissi. D'après le thérapeute, les jeunes sujets, tout comme la majorité des gens, cherchent l'effet stimulant. « Le sujet ne dort plus, n'a plus besoin de manger, la cocaïne étant un puissant coup de faim. Il peut veiller toute une nuit et ça peut durer pendant 4 ou 5 jours d'affilée sans aucun signe de fatigue ou de déconcentration », décrit le spécialiste. Mais au-delà de l'effet physiologique, la cocaïne va « déformer » la perception des choses. « Le consommateur a l'impression que tout est facile à cause de l'effet de désinhibition. Toujours en quête de sensations fortes, il est submergé d'un sentiment de toute puissance. Il n'y a plus de barrières, plus de mœurs, plus de surmoi. Ce qui est très dangereux car le passage à l'acte devient alors très facile », analyse le psychiatre. Ce dernier évoque les meurtres, les violences et les viols qui peuvent être commis par un consommateur submergé par ses pulsions suite à une dose de cocaïne. Cette désinhibition devient plus subversive et plus lourde de conséquences chez les jeunes sujets. « Les adolescents n'ont toujours pas acquis cette forme de maturité de la personnalité. L'utilisation de cette substance conduit automatiquement à un dérèglement fort de la personnalité. On remarque alors la constitution d'une personnalité antisociale ou d'une personnalité psychopathique », met en garde le thérapeute. L'absence de remise en question, d'autocritique et de regrets donneraient ainsi naissance à une personnalité potentiellement dangereuse dans le futur comme l'affirme Dr Oukili Idrissi. Véritable problème de santé publique, la cocaïne serait également un problème thérapeutique. « Parce qu'il n'y a aucun traitement substitutif, aucun médicament capable de remplacer l'addiction à cette substance d'où le problème du sevrage », nous explique le spécialiste en soulevant la problématique de la rechute. Traitement La solution ? « C'est un protocole basé sur une technologie qui peut aider les patients à atteindre un sevrage correct et sans rechute. Cette technique a remporté le prix de la meilleure présentation mondiale dans le World Psychiatric Organisation. C'est une première mondiale qui a été élaborée ici au Maroc avec des confrères psychologues » explique le psychiatre. Se basant sur la stimulation magnétique transcranienne et la stimulation magnétique profonde, cette technique a pu atteindre un taux de réussite qui dépasse 95% de l'échantillon étudié, comme le soutient Dr Oukili Idrissi. Son secret ? Remplacer l'effet procuré par la cocaïne par la stimulation cérébrale. Les patients sentent un effet semblable à celui de la cocaïne sans toutefois en prendre. « C'est un protocole qui se décline en 60 séances en moyenne. Selon la cadence adoptée, un patient peut être totalement sevré au bout de dix à 45 jours », conclut le praticien.