Le linguiste néerlandais Harry Stroomer a consacré des années à la recherche et à la compilation de son dictionnaire Tachelhit-Français, qui sera publié fin mars par De Gruyter Brill. Ce dictionnaire, fruit de quatre décennies de travail acharné, contient plus de 3 000 pages. Stroomer, arabiste et berbériste, est professeur émérite à l'Université de Leyde. Spécialiste des langues afro-asiatiques, il s'intéresse particulièrement aux langues berbères et sud-sémitiques. Sa passion pour l'amazigh a débuté en 1969 lors de sa première visite au Maroc, où il a rapidement constaté que de nombreux habitants parlaient le tamazight plutôt que l'arabe — une réalité qu'il ignorait jusque-là aux Pays-Bas. À partir de 1985, il s'est concentré sur le tachelhit, l'une des trois principales langues amazighes du Maroc. «Le tachelhit est la plus grande langue berbère au monde, avec une estimation de huit à dix millions de locuteurs», a déclaré Stroomer au NRC dans une interview. «Le nom signifie littéralement 'la langue des Chleuhs'. Les Chleuhs sont un peuple du sud du Maroc, avec Agadir et Ouarzazate comme principales villes. En raison de la migration, le tachelhit s'est répandu en Europe au cours des dernières décennies. Rien qu'aux Pays-Bas, il y a environ 75 000 locuteurs.» Les recherches de Stroomer reposent sur des archives françaises, des travaux de terrain au Maroc, et des contributions de la diaspora amazighe en Europe. Pourquoi le choix du français ? Selon Stroomer, la France — avec l'Espagne, anciens colonisateurs du Maroc — a acquis une connaissance approfondie de la langue au cours du siècle dernier. «Après ma première visite au Maroc, j'ai voulu en savoir plus sur les langues berbères», explique Stroomer. «J'ai consulté le bibliothécaire de l'Institut pour le Proche-Orient moderne à l'Université d'Amsterdam. Il m'a dirigé vers plusieurs experts français», se souvient-il. Les archives du défunt berbériste français Arsène Roux ont constitué le point de départ de ses recherches. «À Aix-en-Provence, j'ai découvert deux armoires d'archives remplies de manuscrits, de fiches et de notes sur des bouts de papier. Chaque année, j'y passais un mois à tout numériser.» Stroomer souligne que son dictionnaire inclut méticuleusement toutes les références, permettant de retracer l'origine de chaque mot.