Lancé en 2022 par le gouvernement du Québec pour pallier la pénurie d'infirmiers dans certaines régions, un programme de recrutement international, incluant des Marocains, est épinglé pour des lacunes majeures dans l'accompagnement des candidats, révèle un rapport interne du ministère québécois de l'immigration. Manque de logements, absence de services de garde pour les enfants, difficultés de transport : les entraves relevées dans cette évaluation, obtenue par la loi sur l'accès à l'information, ont fortement éprouvé les bénéficiaires du programme, dont certains ont vécu une véritable désillusion. Ce projet, financé à hauteur de 65 millions de dollars canadiens (environ 440 millions de dirhams) et destiné à recruter 1 500 infirmiers d'ici 2028, offre une formation en collège (cégep) et une allocation hebdomadaire de 500 dollars. Toutefois, la première phase, sur laquelle porte le rapport de novembre 2024, dresse le tableau d'un dispositif défaillant, n'ayant pas suffisamment préparé les participants aux exigences du métier et aux réalités de la vie au Québec. Un accueil marqué par des difficultés matérielles Dès leur arrivée, les 207 infirmiers de la première cohorte ont dû affronter des conditions d'installation précaires, aggravées par l'éloignement des grands centres urbains. «Dans la plupart des régions, les participants ont été confrontés à des obstacles compromettant leur intégration et, par conséquent, leur plein engagement dans la formation», souligne le document officiel. Le logement s'est révélé être une préoccupation majeure, certains infirmiers étant accompagnés de leur famille, parfois avec plusieurs enfants. Dépourvus d'antécédents de crédit, ils ont peiné à trouver des locations abordables, contraignant les autorités à aménager des unités modulaires dans certaines zones, comme en Gaspésie. L'absence de places en garderie a également empêché les conjoints de travailler, tandis que le manque de transports en commun obligeait les recrues à acquérir un véhicule et un permis de conduire québécois, un coût supplémentaire non anticipé. «Ces écueils soulignent l'impérieuse nécessité d'une présentation honnête des défis liés à l'installation au Québec», reconnaît le rapport. Un encadrement académique éprouvant Outre ces contraintes matérielles, la formation, d'une durée de neuf à quatorze mois, s'est avérée particulièrement éprouvante. Si elle œuvre à harmoniser les compétences des infirmiers formés à l'étranger avec les standards québécois, son intensité a suscité un stress considérable chez les participants, confrontés à la perspective d'une exclusion en cas d'échec à un seul cours. Les cégeps impliqués dans le programme rapportent par ailleurs un choc culturel significatif, notamment en raison des spécificités linguistiques du français québécois. Certaines thématiques abordées en cours, telles que l'avortement ou l'aide médicale à mourir, ont également suscité des tensions éthiques parmi les étudiants. Des résultats en demi-teinte Malgré ces écueils, le ministère de l'immigration affirme que 867 infirmiers ont, à ce jour, achevé la formation, avec un taux de réussite supérieur à 90 % pour les deux premières cohortes. Les autorités assurent que les leçons tirées des premières phases ont permis d'apporter des ajustements, notamment en matière de logement. Le Québec, où le vieillissement de la population exerce une pression croissante sur le réseau hospitalier, espère néanmoins atteindre son objectif de 1 500 infirmiers étrangers d'ici 2028. La cinquième phase du programme est actuellement en cours.