La décision du Canada de ne pas recruter d'infirmiers marocains, lors des Journées Québec, a suscité des inquiétudes parmi les professionnels de Santé, qui envisagent désormais de nouvelles destinations pour poursuivre leur carrière. Détails. La semaine dernière, les candidats marocains inscrits pour les Journées Québec des 26 et 27 octobre ont reçu une notification indiquant que le gouvernement canadien mettra fin au recrutement d'infirmiers marocains dans le cadre des travailleurs étrangers temporaires (TET). Cette décision découle, selon le message consulté par « L'Opinion », d'un accord maroco-canadien visant à protéger le marché du travail et le système de santé au Maroc. En conséquence de ces nouveaux critères, les recruteurs québécois ne chercheront désormais que des aides-soignants. « Dans ce contexte, et en accord avec les autorités marocaines, seuls des postes de préposés aux bénéficiaires seront disponibles lors des Journées Québec-Maroc d'octobre », précise le message, soulignant que la sélection des candidatures sera limitée aux « détenteurs des diplômes mentionnés dans les offres ». Jusqu'à présent, le Canada avait tendance à s'appuyer sur le personnel infirmier marocain pour combler le déficit en ressources humaines et faire face au vieillissement de la population. En 2022, le gouvernement québécois a investi 65 millions de dollars canadiens pour former 1 000 infirmiers étrangers. D'après des données des syndicats, entre novembre 2021 et mai 2022, environ 400 infirmiers du ministère de la Santé ont quitté le Maroc en décrochant un emploi au Canada lors des Journées Québec. Un chiffre préoccupant pour le Royaume qui fait face à une pénurie de professionnels de Santé, avec seulement 9 infirmiers pour 10 000 habitants, alors que l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande 60 infirmiers pour 10 000 habitants. Régissant à ce sujet, Najwa Fassi, Consultante en immigration, a expliqué que « cette décision concerne les contrats de travail conclus dans le cadre des journées Québec. Toutefois, n'importe quel infirmier, ayant un diplôme accrédité avec une expérience professionnelle d'au moins un an et un bon niveau linguistique, pourra déposer un dossier d'immigration pour s'installer au Canada et y faire sa carrière ». Bien que le gouvernement marocain n'ait pas encore réagi à cette mesure surprenante, celle-ci suscite déjà la colère des blouses blanches désirant faire leur carrière professionnelle au Canada. Lesquelles estiment être exclues des opportunités de travail attractives au Canada et critiquent l'approche du gouvernement pour faire face à la fuite du personnel de la santé à l'étranger. « Une telle approche ne parvient pas à convaincre les infirmiers de rester au Maroc et les incitera à explorer d'autres opportunités à l'étranger par le biais de nouveaux moyens », a déploré Fatima Zahra Bline, membre du Conseil national du syndicat indépendant des infirmiers. Et d'ajouter: « il n'est pas du droit du ministère de la Santé d'empêcher les infirmiers à chercher des opportunités professionnelles ailleurs alors qu'il ne leur offre pas les conditions adéquates pour travailler dans leur pays ».
Est-ce la solution ? Au regard de l'infirmière, il est nécessaire de développer une stratégie nationale pour attirer les professionnels marocains à l'étranger tout en incitant ceux qui se trouvent au Maroc à privilégier le système de santé national. Même son de cloche auprès de Khalid Mouna, expert qui souligne les défis liés à la fuite des talents marocains, aggravés par une culture de l'émigration profondément ancrée dans la société marocaine et l'émergence de nouvelles destinations migratoires. « Le Canada n'est pas le seul pays qui accueille les infirmiers marocains. Il suffit de visiter les centres de langues en Allemagne ou en Belgique pour voir les nouvelles opportunités qui s'offrent à eux. Il est impossible de contrôler leur départ », indique-t-il. Une réalité qui n'échappe pas au ministre de la Santé, Khalid Ait Taleb, qui a reconnu au Parlement la difficulté de freiner la migration des professionnels de Santé face à une concurrence internationale croissante, où chaque pays s'efforce d'attirer plus de professionnels de santé pour répondre aux besoins de sa population. L'expert Khalid Mouna préconise plutôt une amélioration significative des conditions de travail, tant matérielles qu'humaines, dans les secteurs public et privé, dans le cadre de la réforme du système de Santé, afin d'en accroître l'attractivité pour les nouvelles générations de médecins et d'infirmiers. Il souligne également l'importance d'améliorer l'accès à l'emploi pour les nouveaux diplômés des écoles d'infirmiers, notamment en leur offrant des primes de stage plutôt qu'en les soumettant à des mois de stages non rémunérés. « Ces conditions difficiles, en particulier pour les jeunes issus de la classe moyenne, les poussent à chercher des opportunités professionnelles ailleurs », témoigne-t-il. Pour rappel, le gouvernement avait augmenté les salaires des infirmiers et des techniciens de Santé dans le secteur public, de 1000 dirhams supplémentaires. La première tranche, (500 dhs), a été versée dès juillet 2024. Quant à la deuxième, elle sera versée, un an plus tard, sachant que le ministère a laissé la porte ouverte pour répondre au dossier revendicatif des professionnels.