A peine 3 600 immigrés marocains entre 2010 et 2012 contre 5 500 en 2009.La politique canadienne en matière d'immigration a complètement changé. De 60 000 par an, le pays n'a accueilli que 6 300 en 2014, toutes nationalités confondues. Une seule catégorie de Marocains intéresse désormais le Canada: les étudiants. L'immigration des Marocains au Canada, particulièrement sa partie francophone, le Québec, n'est plus ce qu'elle était. Ce n'est pas l'envie ou l'aspiration d'aller vivre dans un pays aussi grand et regorgeant de potentialités qui manquent, mais c'est le Canada qui ne veut plus des Marocains, et des Maghrébins d'une façon générale. On est en tout cas loin des années 1980- 90, où ce pays accueillait à bras ouverts, sans discrimination, toutes confessions confondues, des immigrants du monde entier. Selon le ministère chargé des Marocains résidant à l'étranger et des affaires de la migration, 53 707 Marocains vivent au Canada, parmi les 161 216 qui résident en Amérique. D'autres sources d'associations de Marocains au Québec parlent d'au moins 60000, déjà au début des années 2000. Les statistiques officielles canadiennes pour l'année 2009 classent le Maroc, avec 5 500 immigrés, parmi les dix principaux pays d'origine (voir encadré). Quoi qu'il en soit, la vague massive d'immigration, choisie, préparée, tout à fait légale, voire encouragée, des centaines de familles marocaines vers le Québec qui a eu lieu pendant ces deux décennies n'est plus qu'un souvenir. Le quota lui-même, fixé par les autorités canadiennes, a été considérablement réduit, selon Me Nadia Barrou, avocate en matière d'immigration. Pas spécialement à l'égard des Maghrébins, mais à l'égard de tous les pays. «Il y a à peine deux ans, le Québec accueillait 60 000 immigrants par an. Aujourd'hui, on n'accepte pas plus de 6 300 par an, et du monde entier», se désole Me Barrou. Elle-même marocaine, elle appartient à cette vague d'immigration des années 1990 puisqu'elle vit depuis 1997 à Montréal, où elle dispose d'un cabinet de conseil et d'aide en matière d'immigration, et un autre, à Casablanca. Avec le programme «Entrée express» installé depuis janvier 2015, un nouveau système électronique qui gère les demandes de résidence permanente présentées au titre de certains programmes d'immigration économique, «un seul Marocain a été accepté à émigrer au Québec», rappelle Me Barrou. Une mauvaise opinion des Marocains dans la société canadienne? «C'est le cas de le dire. Les Maghrébins d'une façon générale ne sont plus désirés par les Canadiens», confirme- t-elle. «Lors de mes entretiens avec les candidats marocains à l'immigration au Québec, la première question qu'on me pose est combien ils vont toucher en termes d'aide sociale. C'est le cas de 30% de ces candidats», affirme-t-elle. Ça en dit long sur la mentalité qui prédomine chez cette catégorie, elle ne cherche pas à travailler pour gagner sa vie, mais préfère ne rien faire et avoir en retour une aide sociale. Ce n'est pas par hasard si le plus haut taux de chômage au Québec touche d'abord les Maghrébins. La politique officielle d'immigration au Canada a donc complètement changé, poursuit notre interlocutrice. Il y a cette image négative des Maghrébins, dictée par une conjoncture internationale, marquée, commente ce haut cadre dans une entreprise canadienne depuis vingt ans, «par une opinion négative à l'égard des musulmans d'une façon générale. Ces gens éprouvent, par rapport aux autres nationalités, des difficultés d'adaptation énormes». Dix mille Français vont vivre chaque année au Québec Une seule catégorie intéresse désormais les autorités canadiennes : les jeunes étudiants désireux de poursuive leurs études au Canada. Là, il y a tout un programme d'encouragement et d'aide, pourvu que les candidats remplissent les conditions requises pour l'obtention d'un permis d'études. Les autres catégories, travailleurs temporaires et qualifiés, ne sont plus, ou très peu, sur la liste de l'immigration officielle au Canada. Les jeunes étudiants sont sollicités, car la réussite est devant eux, «et leur capacité d'adaptation est plus gtrande», estime Me Barrou. Ce qui intéresse désormais le plus le Canada, et en particulier sa province francophone, le Québec, ce sont les immigrants venant d'Europe, et notamment de France. Ils passent par le programme «Permis Vacances-Travail» (PVT) qui permet de voyager pour une durée d'un an sur le territoire canadien tout en étant autorisé à travailler pour compléter ses ressources financières (sa durée devrait passer à deux ans en 2015). Ce permis permet donc le travail, qui donne l'opportunité d'entrer sur le territoire sans avoir obtenu au préalable une offre d'emploi, ce qui explique sa grande popularité. Seulement deux conditions sont posées pour l'obtention de ce permis : être Français et avoir moins de 35 ans. Le quota prévu dans ce programme est de 7 500 immigrants français par an. «Il est atteint en cinq minutes. 10 000 Français vont vivre chaque année au Québec», précise Me Barrou. Ce même programme, avec des quotas différents, existe pour d'autres pays européens, avec l'Australie, entre autres. Conclusion : de moins de moins de Marocains vont au Canada ces deux dernières année, l'immigration choisie dans ce pays est de plus en plus difficile. Mais cela n'ôte rien au mérite et aux compétences marocaines qui se sont déployées depuis des décennies au Canada: des cadres, des hommes d'affaires, des journalistes, des hommes politiques, des scientifiques…On se rappelle de Ismahane Elouafi, la Marocaine du Canada, qui a figuré en janvier 2015 dans le Top 20 des femmes qui ont contribué au développement du domaine scientifique dans le monde islamique : 15 années d'expérience dans la recherche agricole et des postes de gestion au sein du système fédéral canadien, dont celui de directrice de la Division de la gestion de la recherche et des partenariats de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA). Il y a aussi la députée Fatima Houda Pépin, première femme arabe d'origine marocaine à être élue au Québec… Et bien d'autres. Une jeune de 34 ans, la Marocaine Sawsan Mbirkou (voir portrait), réussit aussi un parcours brillant. Partie à 17 ans avec sa famille à Montréal, elle était là, à Casablanca récemment, pour offrir ses services, en tant que présidente de «Iris Immigration», une entreprise qui conseille les candidats tentés par le départ au Québec. Sa mère, Khadija Erbib, vice-présidente et directrice de la formation au sein de cette entreprise, présente aussi au cours de ce voyage, ne regrette rien de cette «aventure» québécoise. Elle et son mari n'ont pas été dans le besoin matériel pour émigrer au Canada.