Le Moyen-Atlas a récemment connu une évolution exceptionnelle de sa situation hydrique, avec une augmentation de 1.685% enregistrée pour certaines sources. Pourtant, l'ombre de la sécheresse persiste : Daït Aoua reste à sec et les nappes phréatiques ne se reconstituent que partiellement. Un rebond encourageant, mais insuffisant pour effacer des années de déficit. Reportage sur une renaissance en demi-teinte. Les récentes précipitations et chutes de neige qui se sont abattues sur le Moyen-Atlas, et plus particulièrement sur la province d'Ifrane, ont redonné du souffle à cette destination phare du tourisme de nature, pourtant durement éprouvée par des années de sécheresse. Elles ont revitalisé les paysages emblématiques de la région, notamment les forêts de cèdres, les cascades et autres vallées verdoyantes qui attirent randonneurs et amateurs d'écotourisme. Cependant, malgré ces apports hydriques significatifs, les cours d'eau du Parc national d'Ifrane peinent à retrouver leur dynamisme d'antan, compromettant la pleine renaissance des écosystèmes environnants et limitant le potentiel touristique de cette réserve naturelle. Cette fragilité persistante rappelle que la région reste vulnérable aux aléas climatiques, malgré son statut de joyau du patrimoine naturel marocain. Un répit bienvenu pour une région assoiffée Au cours des deux dernières semaines, des pluies abondantes et d'importantes chutes de neige ont transformé le paysage du Moyen-Atlas. Les montagnes ont retrouvé leur manteau blanc, tandis que certaines sources et oueds saisonniers ont repris vie. Parmi eux, l'oued Tamdiqine, alimenté par les pluies intermittentes, et l'oued Ahlal, qui puise ses eaux dans les sources de Tarmilat avant de rejoindre l'oued Tizguit. Le barrage de Tizguit, d'une capacité de 400.000 m3, est quasiment rempli. Une aubaine pour cette infrastructure conçue pour réguler les crues et alimenter un parc de loisirs en aval. Ces précipitations ont également permis une recharge notable des nappes phréatiques, améliorant ainsi la situation hydrique de la région. Des chiffres encourageants, mais des défis persistants Malgré ces améliorations, plusieurs cours d'eau du Parc national d'Ifrane restent en deçà de leurs niveaux historiques. En amont des sources Ain Vittel, par exemple, certaines zones demeurent asséchées, et le débit de l'oued Tizguit, bien que renforcé, n'a pas retrouvé sa vigueur passée. Toutefois, des signes de renaissance sont visibles. À partir du camp de l'Emir, en aval d'Ain Vittel, l'oued Zerrouqa a connu une nette augmentation de son débit, alimentant à son tour l'oued Tizguit. Ces progrès restent tributaires des futures précipitations, notamment neigeuses, qui jouent un rôle de premier plan dans la recharge des nappes souterraines. Lors du dernier conseil d'administration de l'Agence du bassin hydraulique (ABH) du Sebou, Khalid El Ghomari, directeur de l'ABH, a souligné l'impact positif des récentes intempéries. «Les hauteurs du Moyen-Atlas, notamment les provinces d'Ifrane et d'El Hajeb, ont bénéficié de pluies abondantes et de chutes de neige considérables, améliorant significativement les débits des sources», a-t-il déclaré. Les chiffres dévoilé par l'ABHS témoignent d'une amélioration spectaculaire. La source Ain Amghas, à Ifrane, a vu son débit exploser de 110 litres/seconde en décembre 2024 à 1964 l/s en mars 2025, une progression de 1.685%. Plus au nord, Ain Zerrouka affiche une performance tout aussi remarquable avec un débit passé de 30 l/s à 326 l/s, soit une hausse de 987%. Même les sources considérées comme moribondes, à l'image d'Ain Ribaa Aval, ont retrouvé un flux significatif. Ces données hydrologiques attestent d'une recharge de certains aquifères après plusieurs années de stress hydrique. Un soulagement pour cette région du Moyen-Atlas qui subissait depuis 2020 l'une des pires sécheresses de son histoire récente, avec des conséquences dramatiques sur l'agriculture, les écosystèmes et l'approvisionnement en eau potable. Un écosystème en convalescence Sur le plan écologique, ces précipitations ont revitalisé la biodiversité du Parc national d'Ifrane. L'humidité accrue a favorisé la régénération de la végétation, essentielle pour la faune locale, notamment les cerfs de Barbarie et les singes magots. Les zones humides, temporairement restaurées, offrent un habitat propice aux oiseaux migrateurs. Cependant, les experts restent prudents. «Ces pluies sont une bouffée d'oxygène, mais elles ne suffisent pas à compenser des années de déficit hydrique», explique un hydrologue local. La pérennité des ressources en eau dépendra des précipitations à venir, particulièrement de la neige, dont la fonte progressive alimente les sources en été. Le paradoxe de Daït Aoua Alors que les paysages du Moyen-Atlas reverdissent, Daït Aoua, joyau habituel du tourisme vert, reste une vaste étendue poussiéreuse. Cette sécheresse persistante porte un coup dur à l'économie locale. Cette situation exceptionnelle s'explique par l'épuisement critique des nappes phréatiques locales, dont le niveau a atteint un seuil historiquement bas après plusieurs années de sécheresse consécutives. Malgré les pluies abondantes de ces dernières semaines, l'eau ruisselle sans parvenir à recharger suffisamment les réserves souterraines qui alimentent normalement ce lac naturel. Un constat qui interpelle sur l'urgence d'une gestion plus durable des ressources hydriques dans cette région au patrimoine écologique unique. Mehdi Idrissi / Les Inspirations ECO