A un an de la présidentielle américaine de 2012, la campagne bat déjà son plein sur le terrain entre républicains et démocrates. Redouane Abouddahab, enseignant chercheur et spécialiste des Etats-Unis à l'Université Lyon 2, explique au Soir échos les contraintes et les cartes à jouer de Barack Obama pour cette échéance. Le vent ne tourne pas forcément en faveur de Barack Obama ces derniers mois, alors que l'élection présidentielle de 2012 approche à grands pas. Avec un taux de chômage galopant qui a atteint les 9 % au mois d'août et la dégradation de la note souveraine du pays, le président américain est plus que jamais sur la sellette. Il a récemment annoncé un plan pour l'emploi en vue de redonner de l'espoir aux Américains. Mais, sa cote de popularité continue toujours de chuter. Néanmoins, selon plusieurs analystes, Barack Obama peut renverser la situation s'il parvient à améliorer les chiffres de l'économie américaine. Le plan pour l'emploi annoncé par le président américain Barack Obama n'est-il pas, selon vous, une simple manœuvre politique orchestrée à un an de l'élection présidentielle de 2012 ? Non. Barack Obama a été élu parce qu'il s'était engagé à résoudre les problèmes économiques graves du pays. Cependant, il a été malchanceux à cause de la crise financière. La dernière année de son administration tâchera donc de résoudre les problèmes qui concernent de près la vie quotidienne des Américains. Le dernier sondage publié à la mi-août a montré que la cote de popularité d'Obama est en dessous des 40 %. Qu'est-ce qui explique ce revirement ? Beaucoup de facteurs expliquent l'impopularité Barack Obama. Tout d'abord, les mauvais chiffres de l'économie américaine. Mais aussi la campagne menée par la droite contre sa réforme de la sécurité sociale. Le parti républicain a pu se refaire une santé après sa déroute lors de la dernière élection présidentielle, en critiquant systématiquement toutes les mesures prises par la Maison Blanche. En outre, la campagne électorale des élections parlementaires dites «mid-term» a fait remonter à la surface des ressentiments et même des hostilités racistes et nationalistes, de type populiste. Enfin, les soutiens de gauche qui ont permis à Barack Obama de se faire élire en 2008, se sont effrités parce qu'il n'a pas pu réaliser les deux promesses majeures de sa campagne, c'est-à-dire la fermeture de Guantanamo et le retrait clair et définitif de l'Irak. De même, l'engagement en Afghanistan a déplu à cette partie de l'électorat. Barack Obama a notamment fait de la fermeture de la prison de Guantanamo, un de ses principaux thèmes de campagne en 2008, pourquoi n'est-il pas arrivé à tenir cette promesse ? Le problème de Guantanamo n'est pas que politique. Barack Obama, une fois arrivé au pouvoir et les vraies données sous les yeux, s'est rendu compte que Guantanamo était un véritable imbroglio jurdico-géographique dont l'équipe de son prédécesseur Georges W. Bush a été le maître d'œuvre. Cette prison américaine, implantée en terre cubaine, permet au gouvernement des Etats-Unis d'y détenir des prisonniers de manière tout à fait illégale, jouant sur la notion de déterritorialisation, en vertu du Military Order signé par Bush le 13 novembre 2001. Autrement dit, des activités illégales ou contraires aux lois des Etats-Unis peuvent être menées, pourvu qu'elles ne se déroulent pas sur le territoire américain. Les traitements réservés aux détenus de Guantanamo sont contraires non seulement aux lois américaines mais également à toutes les conventions internationales, dont la Convention de Genève sur les prisonniers de guerre alors que les crimes des présumés terroristes sont nommés dans le Military Order lui-même comme «crimes de guerre». Le flou juridique est donc total. Cependant, si le président américain avait vraiment pris le sujet à cœur comme il le souhaitait au début de son mandat, il aurait eu suffisamment de poids politique et de crédibilité vis-à-vis de l'opinion publique pour changer la législation. Il faut aussi signaler qu'il ne s'agit pas là d'un fait unique dans l'histoire des Etats-Unis, puisqu'une loi d'exception similaire avait permis au gouvernement américain de détenir, dans des camps de concentration, des dizaines de milliers de citoyens américano-japonais, après l'attaque de Pearl Harbour par l'aviation japonaise pendant la seconde Guerre mondiale. Mais il s'agissait d'une mesure temporaire qui avait avait été prise pendant la période de guerre. Guantanamo, par contre, semble s'installer dans une durée indéterminée. Cela constitue-t-il un obstacle pour sa réélection 2012 ? Non pas vraiment. La réélection de Barack Obama se jouera essentiellement sur des questions d'ordre économique. S'il arrive à améliorer les indicateurs dans les temps, cela jouera certainement en sa faveur en 2012. Que pensez-vous de l'attitude de l'administration Obama vis-à-vis des révolutions dans le monde arabe ? On ne peut rien dire de sérieux pour l'instant à ce propos. Il faut beaucoup de recul pour dégager une image claire à la fois de l'attitude américaine mais aussi de son rôle dans ces soulèvements. Pourquoi la Maison Blanche s'oppose-t-elle à la création de l'Etat de Palestine ? Avec l'élection présidentielle de 2012 qui approche, Obama ne peut pas se permettre de perdre le soutien de l'AIPAC, le puissant lobby juif des Etats-Unis. Aussi, en dépit de sa volonté de soutenir les révolutions actuelles dans le monde arabe, le président américain a des contraintes de plusieurs ordres qui concourent à son attitude. Les Américains vont-ils, à votre avis, lui renouveler leur confiance en 2012 ? Cela dépendra principalement de sa capacité à gérer la situation économique actuelle, c'est-à-dire des mesures qu'il prendra pour améliorer la vie quotidienne des Américains. Il doit réduire le taux de chômage et remettre l'économie américaine sur les rails. S'il obtient de bons chiffres, il aura toutes ses chances pour briguer un second mandat.