Film rêveur évoquant la mémoire de réfugiés palestiniens contraints de fuir leur terre en 1948 pour le Liban, My land, documentaire de Nabil Ayouch, cinquième opus du cinéaste, en compétition officielle au 12e Festival national du film de Tanger, signe une nouvelle étape dans la filmographie marocaine et dessine de belles promesses d'avenir. Le Proche-Orient, théâtre de conflits et d'affrontements incessants et révoltants, est aujourd'hui une aire géographique où convergent les regards de nombreux cinéastes. Après Aïsheen, du documentariste suisse Nicolas Wadimoff et Fix me du cinéaste palestinien Raed Andoni, Nabil Ayouch, réalisateur marocain, a signé un premier documentaire, My land, tourné au Liban, en Palestine et en Israël, réunissant la voix de quinze protagonistes. Si My land -coproduction entre Ali'n Productions, Les Films du nouveau monde et French Connection Films- est un film événement dans la production cinématographique marocaine, cet opus n'est pas simplement une œuvre supplémentaire sur la ligne de cette région. Le cinéaste a en effet choisi d'aborder un angle humain à travers la mémoire. Celle des oubliés, des exilés, des apatrides. Celle des réfugiés palestiniens de 1948 qui ont dû fuir leur terre et qui vivent depuis dans des camps au Liban, en la confrontant à celle inexistante, de la jeunesse israélienne. On avait des oliviers, nos terres, on vivait dans l'abondance, ces mots de Khadijeh Gharabli, vieille dame de Haïfa plongée dans le souvenir d'un paradis perdu et qui traversent les premières séquences de My Land, résonnent à l'esprit du spectateur longtemps après la projection. Comme les premières minutes qui jalonnent le film, avec la voix off du réalisateur, fruit des amours d'une mère juive d'origine tunisienne et d'un père musulman marocain. Cette voix à laquelle d'autres succèdent au fil des scènes, servant la dramaturgie du scénario qui nous embarque dans cet ouvrage poignant d'une durée de quatre-vingt minutes. «Je ne pense pas avoir souffert des non-dits, des chuchotements, des jugements car je refusais de les entendre. J'ai souffert d'un conflit qui alimentait toutes les conversations, qui résonnait constamment au sein de mes deux familles. Un conflit dans une contrée lointaine, entre deux peuples qui se battaient pour la même terre. Ce conflit ne m'a jamais quitté. Il a forgé ma conscience politique, il a éveillé ma capacité de révolte, il a surtout défini la plupart des rapports que j'entretiens avec le monde qui m'entoure». Eclat de vérité La valse de mots se poursuit, celles des Palestiniens Abou Nabil Kurdieh, de Safouri, et Abou Afifi Abou Hassan, de Saasaa, faisant écho à celle de jeunes Israéliens Shai Noy de Sasa et Mika Gvritzman, de Tzipori. La caméra s'attarde sur les regards et les visages des personnages ; peut-être pour mieux les enserrer comme l'image de ce conflit, ou l'attachement à la terre palestinienne des uns et des autres ? «Ce n'est pas simple de voir que quelqu'un paie le prix pour que je puisse vivre dans ce paradis». Le jeune Shai Noy dit ses mots dans un éclat de vérité, suite à une scène filmée sur l'ordinateur portable de Nabil Ayouch, ayant recueilli la parole de vieux Palestiniens qui reviennent sur les conditions forcées de leur départ. «Mon pays», ces deux mots à la bouche de tous, prononcés comme une litanie et revenant sans cesse ponctuer ce récit, renvoient finalement au génie du titre : « My land ». «J'ai rencontré des fantômes, ces vieux réfugiés palestiniens qui vivent au Liban. Il n'en reste que très peu mais ceux qui restent m'ont raconté leur histoire», précise la voix off du cinéaste. Si le septième art semble être la véritable patrie de Nabil Ayouch, on ne peut oublier cet Israélien désignant une clé accrochée au mur de sa maison, et qui appartenait à un Palestinien. Comme la scène finale, qui nous tient suspendus à la rumeur d'une rue qui nous apparaît sur une porte ouverte au bout de laquelle se situe un mur. Les éclats de voix nous parviennent encore jusqu'à cette porte qu'un ultime personnage ferme… u