Promulguée en 2007, la loi sur les archives n'est toujours pas entrée en vigueur. Seul le décret relatif à la création de l'organisme Archives du Maroc a été publié au BO, il en reste quatre autres. Une douzaine d'institutions publiques confient la gestion de leurs archives au privé. Plus de quatre années après la promulgation de la loi sur les archives (décembre 2007), seul le décret d'application concernant Archives du Maroc (organisme de gestion) sur les cinq que doit préparer le ministère de la culture, a été publié au Bulletin officiel. Il reste les textes sur les modalités de conservation des archives courantes et intermédiaires ; l'élaboration et l'approbation du calendrier de conservation ; les procédures de tri, d'élimination et de versement des documents à Archives du Maroc ainsi que sur les modalités de communication des archives publiques aux usagers et de délivrance des copies et extraits certifiés conformes. Par conséquent, il est encore impossible d'organiser la gestion des documents à l'échelle nationale pour les préserver et mieux les exploiter à des fins scientifiques, économiques ou culturelles. Les diverses entités «continuent à gérer leur patrimoine comme bon leur semble», se désole un universitaire. Pourtant, les millions de documents stockés dans les caves et bureaux des administrations et des autres démembrements de l'Etat ainsi que certains établissements privés de gestion de service public regorgent de trésors. En plus «de leur rôle de supports d'aide à la décision, ces documents sont un instrument de participation et de contrôle par le citoyen de l'action des pouvoirs publics ; et la mise en place d'un Etat de droit est subordonnée à une politique moderne de leur préservation et de leur valorisation», souligne Jamaa Baïda, directeur des Archives du Maroc. En interne, la gestion des archives est confiée à un personnel non formé à cette tâche Eu égard à l'inorganisation, les archives ont subi beaucoup de dégâts depuis l'Indépendance. Et ce n'est pas fini. Aujourd'hui, une douzaine de ministères et d'administrations publiques sont en train de confier leur gestion à des sociétés privées. Ce qui révolte le directeur d'Archives du Maroc. «Comment ose-t-on confier des documents publics aussi précieux que sensibles à des entreprises privées qui, de surcroît, ne sont pas assermentées et agréées par les autorités chargées de ce dossier ?», s'interroge-t-il. D'autres institutions «s'en débarrassent, soit en les brûlant, soit en les détruisant», témoigne un cadre d'un ministère. Heureusement, le phénomène n'est pas général. Des départements comme les FAR, les Finances, la Justice… n'ont pas attendu la mise en place de la loi pour structurer, moderniser et préserver leurs archives. Si la loi est appliquée, tout le monde pourrait suivre cette voie. Tout d'abord, parce qu'elle a apporté une définition claire des archives et des archives publiques et les a classées selon leur importance. Ensuite, elle contraint tous les organismes détenteurs d'archives publiques d'élaborer et de mettre en application une politique de gestion dans ce domaine en collaboration avec Archives du Maroc. Elle les incite également à établir et à tenir à jour un calendrier de conservation des documents. Ce n'est qu'à l'expiration des délais de conservation et à l'issue des nécessaires opérations de tri que seraient conservées les archives ayant un intérêt scientifique, statistique ou historique. Ces archives définitives devraient être transférées à l'institution Archives du Maroc qui veille au respect de la loi auprès de tous les départements détenteurs de documents archivistiques, assiste les différents organismes publics à élaborer les calendriers de conservation comme il est chargé de la sauvegarde des archives privées d'intérêt public. 7 personnes seulement pour faire fonctionner l'institution Archives du Maroc Pour le moment, cet organisme est presque invisible en raison du manque de moyens. Déjà, le ministère de tutelle n'avait prévu aucun budget pour son fonctionnement dans le cadre de la Loi de finances 2011. Alertés à la dernière minute par le directeur, les pouvoirs publics lui ont affecté six postes budgétaires. Cette institution fonctionne aujourd'hui avec deux archivistes, un informaticien, un administrateur, un agent et une secrétaire. Autant dire qu'il lui est impossible d'assumer convenablement sa mission. D'autant que le local qui a été choisi pour abriter son siège est un bâtiment vétuste à Rabat, en cours de restauration. Ironie du sort, les plans de la bâtisse (propriété de l'Etat) demandés pour des formalités administratives par l'entreprise chargée des travaux de réaménagement font partie des archives perdues.