Les Archives du Maroc ont été inaugurées vendredi dernier à la Bibliothèque nationale de Rabat. Lors de sa première sortie médiatique, son directeur général, Jamaâ Baïda, évoque ses grandes missions. Vous venez d'être nommé à la tête de l'institution des Archives du Maroc. Quelle est votre stratégie pour mener à bien votre mission ? Les grandes lignes de ma stratégie sont définies par la loi 69-99 relative aux archives, telle qu'adoptée par la Chambre des représentants et la Chambre des conseillers, puis publiée au B.O. en décembre 2007 (dahir du 30 novembre 2007). Il s'agit de mettre en place un établissement public moderne, comme il en existe dans les pays développés, avec pour mission de sauvegarder le patrimoine archivistique du Maroc et d'assurer la valorisation des documents d'archives qui témoignent de l'action politique, administrative et sociale du pays. L'institution est, certes, sous la tutelle du ministère de la Culture, mais la loi l'a dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière. Ces archives seront à la fois au service des pouvoirs publics et des citoyens. Mais si les grands principes sont définis par ladite loi, il reste beaucoup à faire pour traduire ces principes en décrets d'application et en textes réglementaires, intéressant des domaines divers, tels que l'organisation de l'institution, le statut de son personnel, les modalités de conservation des archives courantes et intermédiaires, les modalités d'élaboration et l'approbation du calendrier de conservation des archives ; mais aussi les procédures de tri, d'élimination et de versement des archives, les conditions de conservation des archives définitives produites ou reçues par certaines administrations, des organismes ou établissements chargés de la conservation de leurs propres archives, ainsi que les conditions de coopération avec les administrations concernées. Enfin, on s'intéressera également aux modalités de communication des archives publiques aux usagers et de délivrance des copies et extraits certifiés conformes, au transfert des fonds d'archives conservés actuellement à la Bibliothèque nationale, etc. Tous ces aspects, qui mettent en fait en place une nouvelle institution à partir de quasiment rien, définissent nos aspirations et notre ambition de doter le pays d'un vrai centre national d'archives. Bien entendu, l'ensemble de la stratégie sera défendue devant un Conseil d'administration qui l'adopte et en contrôle l'exécution. Les archives du Maroc sont sous la tutelle du ministère de la Culture et du centre national des droits de l'Homme. Cette institution va-t-elle disposer d'une indépendance financière ? L'institution est certes sous la tutelle du ministère de la Culture, mais la loi l'a dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière. Bien entendu, elle est soumise au contrôle financier de l'Etat. Quant au CNDH, c'est un partenaire important des archives issues, en quelque sorte, des recommandations de l'IER. Jamaâ Baïda, DG des Archives du Maroc. La création des archives a été largement défendue par l'ancêtre de l'actuel CNDH. Ne risque-t-il pas d'imposer sa propre vision ? L'IER puis le CCDH et le CNDH n'ont d'autre but que de doter le pays d'institutions dignes d'un Etat de droit. Le directeur des archives aura comme seul guide pour sa conduite les textes et les orientations discutés et adoptés par le Conseil d'administration, dans lequel sont représentés différents ministères, le Secrétariat général du gouvernement, le CND, l'ESI et la BNRM. La création des archives a été largement défendue par l'ancêtre de l'actuel CNDH. Ne risque-t-il pas d'imposer sa propre vision ? L'IER puis le CCDH et le CNDH n'ont d'autre but que de doter le pays d'institutions dignes d'un Etat de droit. Le directeur des archives aura comme seul guide pour sa conduite les textes et les orientations discutés et adoptés par le Conseil d'administration, dans lequel sont représentés différents ministères, le Secrétariat général du gouvernement, le CND, l'ESI et la BNRM. L'ensemble des ministères et des administrations devront mettre leurs archives à la disposition de cette institution. Comment se fera cette opération ? C'est une opération ardue, qui va nécessiter la préparation d'un ensemble de textes, la formation d'un personnel qualifié et l'aménagement d'un local approprié. Il va aussi falloir que les pouvoirs publics prennent conscience que nous sommes en train de mettre en place une structure qui sera au service de l'administration et du développement économique du pays. Elle s'inscrit également dans l'engagement du Maroc dans divers chantiers d'un Etat de droit, au sein duquel le citoyen a certes des obligations, mais aussi le droit à l'information. Il est de la plus haute importance que les organismes publics coopèrent étroitement avec les Archives nationales, aussi bien pour les modalités de leurs archives courantes et intermédiaires, que pour le calendrier de versements des archives définitives. Installée au sein de l'ancienne bâtisse de la Bibliothèque nationale, comment sera assurée la conservation des archives ? Les Archives du Maroc ne sont logées actuellement que dans une partie de l'ancienne bâtisse de la BNRM. C'est une solution provisoire, le temps de mettre en place les outils matériels et humains d'un vrai démarrage de l'institution. Les locaux actuels suffiraient à peine à recevoir les archives définitives d'un organisme public ! Le Maroc a malheureusement accusé beaucoup de retard dans le domaine de la gestion de son patrimoine archivistique. Pour rattraper le temps perdu, nous ne devons pas lésiner sur les moyens, pour mettre en place un établissement digne des aspirations du pays dans la voie du développement et de la démocratie. La gestion des archives dans un pays est un indicateur de son engagement dans le développement et dans l'option démocratique. Le travail au sein de cette institution nécessite le déploiement de plusieurs personnes. Les archives disposeront-elles des ressources nécessaires ? Si la volonté politique existe, on trouvera les ressources nécessaires. Si nous avons aujourd'hui une belle Bibliothèque nationale qui ne désemplit pas, nous pouvons avoir demain une belle institution Archives du Maroc. Le Maroc ne dispose pas d'établissement qui forme réellement au métier d'archiviste. Cette question ne risque-t-elle pas de constituer un frein à la bonne marche de l'institution ? Nous avons à Rabat, depuis les années 70, l'Ecole des Sciences de l'Information (ESI) qui forme des informatistes théoriquement préparés aux métiers de bibliothécaires, de documentalistes et d'archivistes. Les archives étant au service des pouvoirs publics et des citoyens, l'accès à la salle de consultation ne devrait pas être payant. Ces derniers ont effectivement des difficultés à passer de la théorie à la pratique par manque de centres d'archives performants, qui leur offriraient une source d'inspiration et un champ de perfectionnement de leurs connaissances. En fait, c'est comme si on formait des banquiers qui ne trouveraient pas de banques pour exercer leurs talents. Ceci dit, comme dans toute formation, il y a certainement des lacunes à combler et je suis confiant en l'avenir. L'ESI, déjà membre du Conseil d'administration des archives du Maroc, sera l'un de nos partenaires privilégiés. En plus du dispositif de conservation, il y a également un besoin de sécuriser ces archives. Que proposez-vous dans ce sens ? Le dispositif de conservation va de pair avec le dispositif de sécurité. Il existe des normes internationales que nous ne manquerons pas de prendre en considération, autant que faire se peut, pour conserver et valoriser le patrimoine archivistique marocain. Ce souci n'habitera pas seulement les locaux des archives, mais nous habitera également pour nous inquiéter constamment du sort des archives dans les organismes publics, voire des archives privées d'intérêt public. Cela fait partie, en vertu même de la loi, des prérogatives de l'institution. Comment les archives seront elles mises à la disposition du public ? L'accès sera t-il payant ? L'institution a pour mission de collecter et sauvegarder des archives nationales, mais également de communiquer, selon les dispositions de la loi, des archives publiques à des fins administratives, scientifiques, sociales et culturelles. L'institution a également le devoir de promouvoir les valeurs scientifiques, culturelles et éducatives de ce patrimoine. Les archives étant au service des pouvoirs publics et des citoyens, l'accès à la salle de consultation ne devrait pas être payant, à moins d'instituer une contribution symbolique pour une carte annuelle de lecteur, si cela devait être dicté par des motifs de sécurité et d'organisation. En revanche, les prestations qu'il offrira (formation, reprographie, etc.) ne seront pas gratuites. Une institution à autonomie financière a le droit de se préoccuper de ses dépenses et de ses recettes, pour assurer un service de qualité. Propos recueillis par Qods Chabâa