En partenariat avec l'OIT, ce compte donne, au détail près, toutes les informations liées à l'emploi et sa corrélation avec la productivité et la croissance économique. Le HCP a mis en place le compte satellite de l'emploi (CSE). C'est une nouvelle manière d'évaluer l'emploi au Maroc et ses différentes composantes : taux d'emploi, d'activité et de chômage et sa relation avec les autres composantes de l'économie dont la productivité, l'informel, les rémunérations, les revenus... « Cette initiative réalisée en partenariat avec l'Organisation Internationale du Travail est la première en Afrique et 4e au niveau mondial après l'Iran, le Danemark et l'Australie » a signalé Ahmed Lahlimi, haut-commissaire au plan, lors de la présentation des travaux du CSE. Parmi ses objectifs : élaborer une base de données sur l'emploi et la rémunération salariale, en relation avec la valeur ajoutée créée au sein de l'économie nationale, offrir de nouveaux éclairages sur la demande du travail qui émanent des structures productives et obtenir une mesure du travail dans l'économie, permettant une estimation plus précise de sa productivité. Les données du CSE offrent ainsi un détail désagrégé qui permet l'analyse de la structure du facteur travail mobilisé par branche d'activité, secteur institutionnel, statut dans la profession, genre et catégorie socio-professionnelles. Les résultats dégagés de ce nouveau compte n'ont fait que pointer davantage la faiblesse de la productivité du secteur agricole. Alors qu'il cumule à lui seul 40% de l'emploi total, il génère à peine 12% de la valeur ajoutée. D'autant que 97% de l'emploi dans ce secteur restent informels, peu rémunérés et peu qualifiés. « Il est suivi directement par le secteur du commerce avec un poids de 80,4% de l'effectif employé dans l'informel et le BTP avec 45,7%. Autrement dit, les cadres, techniciens et personnels qualifiés sont loin de représenter la moitié de la masse salariale » a expliqué Bahija Nali, comptable national du HCP. Il est à noter que Lahlimi tient à désigner l'informel comme étant une sphère et non un secteur. Selon lui, l'informel au Maroc évolue de manière horizontale, touchant tous les secteurs et n'apportent pas de valeur ajoutée à l'économie nationale, contrairement au secteur informel qui, en principe, a une légitimité d'exister, avec une production connue, des acteurs organisés... En tout cas, cette prolifération du secteur informel ne fait qu'augmenter d'une année à l'autre. Quand ce n'est pas dans l'agriculture, les petites mains s'orientent vers l'artisanat et les petits commerces qui créent encore moins de productivité. Cette sphère travaille 145 heures de plus que les personnes qualifiées avec un salaire 5 fois inférieur que le salaire. De plus, la productivité du travail des employés formels est 3,7 fois supérieure à celle de leurs homologues informels. Il ajoute en illustrant : « prenons le secteur de la pêche, si sa productivité augmente de 4,4% annuellement, les salaires proposés, eux, baissent de 1,7% chaque année. La cause est cet excès de main d'œuvre informelle disponible ». De fil en aiguille, ce phénomène s'étend à d'autres secteurs d'activité. Et le Maroc n'arrive pas à absorber cet informel car le secteur industriel est dominé notamment par les grandes industries, qui n'emploient que du personnel qualifié ou encore qui ne nécessite pas ces petites mains. « Nous n'avons pas d'industrie petite et moyenne à même d'éponger ces milliers de gens, qui seraient capables, si cela arrive, à créer de la productivité » se désole Lahlimi. S'il y a une autre vérité que le CSE a mis en lumière est bien la précarité de l'emploi féminin. Il est sous représenté dans des emplois à forte qualification. En effet, les femmes n'occupent des postes de cadres et techniciens qu'à hauteur de 15% de la population féminine occupée, au moment où 71% sont des manœuvres (informel et non qualifiées). Il est vrai que ces données dévoilent une réalité assez connue au pays, mais de façon plus détaillée. Mais en face, elles devraient permettre aux pouvoirs publics de repenser toutes les politiques de croissance économique, car l'économie marocaine peine à créer des emplois qualifiés. Un point de croissance ne permet de créer que 0,15% d'emplois. Ce n'est pas une fatalité. Au contraire, c'est une opportunité à saisir pour relever le défi de l'emploi, à travers entre autres, la mise en place de transformations structurelles, le développement d'une industrie moyennement productive et intensive en emploi et la création d'un environnement propice pour l'amélioration de la compétitivité et l'expansion des PME formelles. Ce qui devrait permettre de réduire la taille de l'économie informelle, de valoriser le travail, d'intensifier les qualifications et de promouvoir une allocation optimale de l'emploi.