Dans l'imaginaire populaire, le procureur est un homme au pouvoir étendu. Dans son dernier rapport, le ministère public nous rapproche d'un quotidien différent de ses magistrats. «Lwakil». Qui d'entre nous n'a pas eu affaire à lui au moins une fois ou ne connaît une personne dans son entourage qui s'est déjà pointée une fois dans son bureau. Lui, c'est le procureur, ou dans le commun des cas le substitut du procureur du Roi. Dans le pénal, les accusés se réfèrent à lui en tant que «celui qui enfonce» parce que c'est de lui que dépend généralement le cheminement que prend une affaire en justice. C'est lui qui décide, en effet, de la qualification des faits, que le juge peut d'ailleurs prendre en compte ou non. Le procureur du Roi peut même décider de ne pas engager l'action publique en cas de conciliation entre les parties. Plongée dans un univers méconnu Ils sont, en tout et pour tout, un peu plus de 1.100 à appartenir à ce corps de la magistrature qu'on appelle Parquet général, ministère public, ou encore les magistrats debout. Le nombre de ces derniers est resté pratiquement le même depuis des années. Par contre, leur charge de travail a plus que doublé depuis 2017. Comme l'a d'ailleurs souligné le président du ministère public, il nous en faut le double du nombre actuel pour garantir un fonctionnement fluide dans nos tribunaux. Le renforcement des troupes est encore plus urgent au moment où la carte judiciaire vient d'être revue. Dans un souci de rapprochement de la justice des justiciables, comme le veut l'expression consacrée dans le domaine, de nouvelles institutions ont vu le jour ces deux dernières années. La généralisation des tribunaux de famille, l'ouverture de nouveaux centres de juge résident et la promotion de certains parmi ceux déjà existants aux tribunaux de première instance, entre autres mesures, accentuent davantage la pression sur ce corps. Dans l'ensemble, un magistrat sur quatre est procureur général, procureur ou substitut du procureur. Il y a plutôt de fortes chances que ce soit substitut du procureur. Le Royaume compte seulement 25 procureurs généraux. Les procureurs du Roi sont au nombre de 85, dont seulement 9 femmes. Ce qui, en tout, nous fait une moyenne d'un magistrat pour 100.000 habitants, contre une moyenne de 11 en Europe notamment. C'est un corps relativement jeune, puisque 52% de ses membres ont moins de 45 ans, et très masculin. Sur 100 magistrats, on compte seulement 17 femmes. C'est même loin de la proportion féminine parmi les magistrats de siège où un juge sur trois est de sexe féminin. Un membre du ministère public est une personne qui croule sous le travail. Il traite plus de 30 actes par jour. En moyenne, bien sûr. Cela peut aller d'une rapide signature électronique sur un extrait de casier judiciaire, ou autre document dématérialisé, qui peut prendre quelques secondes, à une audience d'une demi-journée au tribunal ou une visite en prison ou à l'hôpital qui peut prendre toute la journée. Quand cela s'impose, le procureur du Roi, ayant la main sur la police judiciaire, peut lui-même descendre sur le terrain et enquêter sur les crimes, délits et infractions. Des tonnes de paperasses Une journée de travail d'un substitut de procureur, c'est des plaintes à enregistrer, des PV à éplucher et des tonnes de paperasse à traiter. Il reçoit en moyenne deux plaignants par jour, dans son bureau se fait adresser 10 PV en papier établis par la police judiciaire par jour et deux autres PV qui lui parviennent, cette fois, par voie électronique, procédure qui concerne pour le moment uniquement les infractions et les délits liés au code de la route. Chaqueannée, le Parquet reçoit plus de 700.000 correspondances. A raison de 250 jours travaillés par an, cela fait plus de 2.800 courriers et missives à traiter chaque jour. Déclaration de décès, apostille, suivi de l'exécution des jugements, supervision de l'action de la police judiciaire, qui, elle, suppose une permanence 24/7, autant de prérogatives et donc de charge de travail. Et ce n'est pas encore fini, puisque c'est du Parquet que relève également le suivi de l'organisation des professions judiciaires. Une demi-douzaine de corps de métiers chacun aux caractéristiques et à l'organisation spécifiques. Organe essentiellement de poursuite, les magistrats membres du ministère public font partie intégrante de tous les procès traités devant les tribunaux, à différents niveaux de juridiction. Certes, en matière civile, le ministère public fait le plus souvent figure de partie jointe, mais dans les procès pénaux il agit comme partie principale. Agissant au nom et dans l'intérêt de la société, le Parquet exerce l'action publique, procédé qui déclenche le procès pénal. La présence de ses représentants est donc indispensable pendant les audiences. Et quand on sait que durant l'année 2021, prise comme référence, pas moins de 4,68 millions d'affaires étaient en cours d'instruction et de jugement devant les tribunaux, on comprend l'urgence exprimée par le président du Parquet général en termes d'effectifs. Focus e-chikaya. Depuis début 2020, les plaignants peuvent déposer leur plainte en ligne. Plus besoin de se déplacer au bureau du procureur au tribunal. La démarche est simple, il suffit d'aller sur le site de la présidence du ministère public et déposer sa plainte et même pouvoir la suivre par la suite. Une plateforme dédiée est également mise en place pour les femmes victimes de violence. Notification. En affirmant, il y a quelque temps, que son département envisage d'obliger les citoyens à garder le même numéro de téléphone toute leur vie, le ministre de la Justice ne plaisantait pas. La notification par téléphone (et les NTI) est une recommandation du Parquet pour résoudre une fois pour toutes ce problème qui rend difficile l'exécution des jugements. Elle devrait être effective dès que le Registre national de la population soit généralisé. Avocats. Le nombre des affaires actuellement en cours rapportées aux 14.562 avocats que compte le barreau représente une moyenne de 321 affaires pour chacune des robes noires que compte le barreau. Cela correspond à environ 26 dossiers par mois ou encore une affaire à traiter chaque jour. Ce qui explique un peu le chiffre de 70.000 candidats qui ont passé le dernier concours d'aptitude à l'exercice du métier d'avocat et sans doute toute la polémique qui a été créée autour. Mais cela est une autre histoire.