Le Procureur général du Roi près la Cour de cassation, à la tête du ministère public a appelé tous les procureurs à se conformer au refus de poursuivre pénalement un journaliste pour des affaires liées à la diffamation ou à la calomnie. Quelle différence dans des cas de poursuite ? Dans son mémorandum adressé aux procureurs du roi près les cours d'appel et aux procureurs du roi près les tribunaux de première instance, Mohamed Abdennabaoui a souligné que cet appel est destiné à « guider le travail des procureurs sur les questions de presse et à suivre le développement que connaît le pays en matière de protection des droits fondamentaux et des libertés ». Le chef du parquet souligne que la politique pénale dans les affaires de presse cherche à instaure un équilibre entre le soutien à la liberté de la presse et la liberté d'opinion et d'expression, d'une part, et le respect de la loi et le maintien de l'ordre public d'autre part. Le haut-magistrat considère que cela « nécessite un suivi approprié des questions de presse, conformément à cette tendance ». Les plaintes relatives à la diffamation ou à la calomnie devraient dorénavant être soumises directement à l'autorité judiciaire compétente sans qu'il soit nécessaire de demander le suivi par le ministère public. Le ministère public n'est pas l'adversaire du journaliste Interrogé par Hespress FR sur cette question, le juriste Chakib Al Khayari explique que la correspondance du Procureur général du roi « demande aux membres du ministère public de se libérer relativement de ce qu'il a appelé la tendance à passer du ministère public à une action publique en cas de diffamation ou de calomnie dans les médias, en ordonnant aux plaignants de mener la procédure de manière à ce que leurs plaintes soient transmises directement au tribunal ». La finalité de cette directive, selon notre interlocuteur, est de faire en sorte que l'accusation pour ce genre de délits « ne semble pas provenir d'un ministère public qui se dresserait comme un adversaire des journalistes en activant le parquet à leur encontre ». Chakib Al Khayari rappelle l'Article 99 de la presse et de l'édition qui stipule que « la poursuite en justice pour diffamation et calomnie ne peut se faire que sur plainte de la personne qui a été diffamée ou calomniée, ou de toute personne autorisée par la loi conformément au même texte juridique ». Toutefois, l'expert en droit fait remarquer que « le ministère public doit automatiquement et nécessairement assurer le suivi dans certaines affaires conformément au même article, dans lequel la diffamation est fondée sur l'origine, l'appartenance ou l'absence d'appartenance à une race, un pays, un sexe ou une religion particuliers ». L'autre cas de figure évoqué par notre interlocuteur est celui d'un(e) membre du gouvernement qui « adresse sa plainte directement au Chef de gouvernement, et qui la transmet à son tour au procureur compétent ». Chakib El Khayari signale également que le mémorandum de Mohamed Abdennabaoui ne concerne que les poursuites en justice de journalistes en cas de diffamation ou calomnie. « Cela signifie un traitement préférentiel des journalistes par rapport à d'autres personnes, ce qui peut-être considéré comme une discrimination fondée sur le statut social », analyse le juriste qui s'interroge : « Pourquoi souligner une procédure spéciale pour une catégorie sans une autre tant que la justification s'applique à tous ? ». Dans cette perspective, il en conclue que « le citoyen lambda peut voir une plainte déposée contre lui auprès du procureur, tandis que pour un journaliste, une plainte déposée au tribunal serait requise ».